Monteverdi Claudio

C'est à Venise, à St-Marc, que Monteverdi (1567-1643) fera carrière comme maître de chapelle. Par son art unique du récitatif souple et vivant dans ses madrigaux et ses opéras, il dominera la musique italienne du XVIIe siècle. Ce sont des musiciens du XXe siècle réunis autour de Nadia Boulanger qui redécouvriront Monteverdi complètement tombé dans l'oubli. Voici ce qu'en dit précisément Nadia Boulanger: «En ce qui concerne Monteverdi, Vincent d'Indy et Charles Bordes avaient accompli un travail préparatoire d'édition extraordinaire avec toutefois une erreur: ils l'avaient traduit en français. Or pas plus que Purcell ou Boris Godounov, on ne peut chanter Monteverdi en français». Ce que Nadia Boulanger omet de dire, c'est qu'elle a fait jouer dans les salons de la princesse de Polignac les madrigaux et les opéras de Monteverdi. Des salons, Monteverdi monta sur les scènes des grandes salles de concert...

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"Musicien italien que l’on considère, à juste titre, comme le père de l’harmonie moderne. Né à Crémone en 1567, mort en 1643, il reçut de bonne heure les leçons du compositeur Ingegneri, maître de chapelle du duc de Mantoue. Dans les premiers essais qu’il fit paraître, on remarqua de nombreuses infractions aux règles alors en vigueur dans la composition musicale, les unes résultant de simples négligences, les autres décelant déjà chez leur auteur l’esprit de hardiesse qui devait prendre sous peu son essor. En effet, dès l’année 1599, son cinquième livre de madrigaux nous offre les points principaux sur lesquels se détachant de l’ancien système, il fondait, probablement sans en avoir pleinement conscience, le système qui sert de base à la musique moderne. Ces innovations consistent principalement dans l’attaque des accords de septième et de neuvième de dominante sans préparation. Les champions de l’école polyphonique ne se méprirent pas sur la portée de cet acte d’audace qui devint la cause d’une lutte acharnée entre les deux partis rivaux.

Les tentatives que Monteverdi avait faites dans le domaine de la musique religieuse n’avaient guère servi sa cause, et contribuaient plutôt à mettre en un plus haut relief les mérites de l’école adverse. Ce n’est pas là que s’ouvrait sa voie, et il la trouva en écrivant son premier opéra Ariane, à l’occasion des noces de l’infante de Savoie avec le fils du duc de Mantoue (1607). (Il occupait depuis quatre ans à cette cour le poste devenu vacant par la mort d’Ingegneri.) En 1608, Orphée succédait à Ariane, et montrait, dans des proportions plus vastes, les mêmes qualités dramatiques et pathétiques. Un orchestre de trente-six musiciens – fait sans précédent – soutenait les voix et leur prêtait le secours de timbres nombreux et variés. Appelé en 1613 à Venise pour y remplir des fonctions analogues à celles qu’il remplissait à la cour ducale, Monteverdi vit sa réputation s’accroître rapidement. Une messe des morts, écrite en mémoire de Cosme II (1621), et un intermède dramatique, Le Combat de Tancrède et de Clorinde (1624), furent suivis de différentes œuvres parmi lesquelles un grand opéra, Proserpine enlevée (1630), et une Messe (1631) sont les plus importantes. En 1633, le musicien, alors dans toute la splendeur de sa renommée, entra dans les ordres sacrés. Toutefois, ses travaux ne furent que suspendus, et quatre opéras, Adonis (1639), Les Noces d’Énée et de Lavinie, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1661), enfin Le Couronnement de Poppée montrèrent que la vieillesse n’avait pas amorti son talent. Nous possédons de lui huit livres de madrigaux, des chansonnettes, des scherzi, la partition d’Orphée et des compositions religieuses, le tout imprimé. Quant à ses manuscrits, la plupart ont été malheureusement perdus.

L’influence de Monteverdi a été immense. On est néanmoins en droit de regretter que les fondements de la musique aient été posés sur les ruines de la musique ancienne, et que les deux écoles, en lutte pendant la vie du célèbre novateur, n’aient pu coexister en paix, chacune conservant son domaine propre et ses personnelles beautés."

René Brancour, article «Claudio Monteverde» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome vingt-quatrième (Moissonneuse-Nord), p. 234.

 

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