« La première visite est pour le cimetière. Je m’arrête devant une grille modeste aux barreaux de fonte creuse; cinq enjambées en mesurent la largeur, et huit, la longueur. La droite de ce champ clos est occupée par deux tombeaux gisant l’un derrière l’autre; je revois des visages et je réentend des voix; des sourires et des paroles s’adressent à moi comme au temps où j’arrivais du collège : "Te voilà revenu !" Et l’enfant que j’étais réapparaît au vieillard que je suis, debout, tête nue, promenant un regard grave, mais très calme, des deux tombeaux à la place laissée libre pour l’heure qui viendra. – C’est la visite entre toutes efficaces pour l’apaisement des tumultes; les tumultes sont occasionnels et passagers : la mort, le souvenir, l’amour, cela fut, sera. »
Ernest Lavisse, « En vacances d’avril », Revue de Paris, 15 mai 1914, p. 279.