Cerf-volant

« Tout le monde connaît les cerfs-volants qui servent de jouets aux enfants, et que l'en élève en l'air au moyen du vent. Il est aisé de se rendre compte de la manière dont ils peuvent être soutenus dans l'atmosphère par l'action de l'air. Un cerf-volant est une sorte de grande raquette, dont le cadre est formé au moyen de baguettes légères, et dont la surface est recouverte de papier collé sur ce cadre; une baguette droite le traverse dans toute sa longueur, et en forme, pour ainsi dire, l'axe. Si l'on présente cette surface de papier au vent, de manière que les molécules d'air viennent la rencontrer perpendiculairement, elle éprouvera une pression dont l'intensité dépendra de la grandeur de la surface et de la vitesse du vent (…). On conçoit qu'il existe un certain point tel, que si le cerf-volant était soutenu en ce seul point, pour résister au vent, il se maintiendrait en équilibre, sans que sa surface s'inclinât ni d'un côté ni de l'autre : ce point est ce qu'on peut appeler le centre de pression. Si une ficelle était attachée en ce point même, et qu'elle fût retenue assez fortement à son autre extrémité, de manière à s'opposer à l'action du vent, la pression exercée par l'air sur la surface serait vaincue par la tension de cette ficelle. Mais si la ficelle est attachée à l'axe du cerf-volant, au-dessus du centre de pression, il n'en sera plus de même : la tension de la ficelle ne pourra plus détruire la pression du vent. Cette pression poussera en arrière la partie inférieure du cerf-volant, qui prendra ainsi une position inclinée, et qui tendra à se placer horizontalement. Mais, d'un autre côté, le poids du cerf-volant, et surtout le poids de la queue, que l'on attache à sa partie inférieure, s'opposent à ce que sa surface s'approche trop de la position horizontale. La pression exercée par l'air, étant toujours perpendiculaire à la surface du cerf-volant, sera donc également oblique, et dirigée de bas en haut : c'est cette pression qui fait monter l'appareil, tant qu'elle l'emporte sur la résultante de son poids et de la tension de la ficelle. »

Charles Delaunay (1816-1872), Cours élémentaire de mécanique théorique et appliquée, Paris, V. Masson, Langlois & Leclerc, 1852, p. 477-478

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Enjeux

Selon Jacques Danois, voilà en quoi consiste, pour les Vietnamiens, la lutte des cerfs-volants: « Le combat consiste à faire monter le cerf-volant le plus près possible de l’astre nocturne. (...) L’idée la plus détachée, la plus sensible à la brise de la connaissance devient alors un de ces aéronefs fragiles de construction, mais résistants à l’air en fureur. Celui qui monte le plus haut pour déchirer un pan de nuages est le vainqueur. Celui dont l’intelligence est la plus légère reste souvent au bas de l’escalade. Pour le vainqueur, c’est paradoxalement le poids de sa pensée qui lui permet de grimper en force vers le firmament. Rien ne sert d’aller vite. Si l’on profite d’une brusque brise pour se lancer au sommet, le fil se tend, casse la voile du cerf-volant qui retombe à terre comme un oiseau frappé par le projectile d’un chasseur. Il faut négocier avec l’air en mouvement pour que l’engin volant d’un enfant ou l’idée d’un sage dépasse celui ou celle de l’adversaire .»

Sylvain Marcelli, Figure de l'écart, L'Interdit, mars 2001 (compte rendu de: Jacques Danois, Le désarroi de Confucius, Fayard, coll. Les enfants du fleuve, 2001)

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