Le retour des montgolfières, Louis XVI visionnaire

Jacques Dufresne

Sagesse: économiser de l'énergie en profitant lentement de la générosité de la nature.

En pleine renaissance en ce moment, le plus léger que l’air pourrait donner à la Chine une supériorité militaire sur les États-Unis. En octobre dernier, elle a mis à l’essai, à une altitude de 20 000 pieds un ballon de 75 mètres, le yuanmeng jouissant, grâce à l’énergie solaire, d’une autonomie de six mois. De quoi, en augmentant l’altitude, surveiller et punir la terre et les hommes tout en restant à l’abri des attaques. (Source)

Le plus léger que l’air mérite toutefois plus et mieux qu’un usage militaire.  Certaines découvertes mettent d’abord en lumière l’ingéniosité humaine, c’est le cas du moteur à explosion, du moteur à réaction et de l’énergie nucléaire; d’autres mettent d’abord en lumière ce qu’on pourrait appeler la générosité de la nature : c’est le cas du bateau à rame et à plus forte raison du voilier, lequel profite des qualités de l’eau et de l’air pour se déplacer. C’est le cas également de la montgolfière.

Si pour juger de la valeur d’une découverte, l’on choisit comme critère l’économie d’énergie qu’elle permet, les découvertes du second genre, celles qui mettent d’abord à profit la générosité de la nature, occupent le sommet de l’échelle.

C’est l’exigence de vitesse qui a fait passer les autres découvertes au premier plan au cours des derniers siècles. On comprendra un jour que ce fut là l’une des pires crises de folie de l’humanité. Pour y circuler de plus en plus vite, nous avons mis l’existence même de notre planète en danger. La prise de conscience de cette folie a commencé avec la mise au rencart du Concorde. Les nouveaux ballons gonflés à l’hélium pourraient rendre désuètes les fusées utilisées pour placer des satellites dans la stratosphère.

La popularité du vélo, autre découverte qui réduit la consommation d’énergie mais aussi la vitesse par rapport à celle que permet la voiture, permet de présumer que la lenteur sera de plus en plus appréciée, en toute chose. On peut fonder le même espoir sur la popularité de la marche.
On progressera dans cette direction dans la mesure où l’on comprendra que le temps perdu à contempler est de l’éternité retrouvée. C’est ce qu’ont déjà compris les touristes qui prennent un train lent pour se rendre de Québec à la Malbaie. Le voyage en goélette serait encore plus intelligent (voilà un bon usage du mot intelligent à propos d’une machine!)

Certes, la vitesse c’est la productivité accrue. Cela n’est vrai toutefois que dans la mesure où, dans les calculs, on ne tient pas compte du coût écologique de l’énergie utilisée pour accélérer les machines et les processus.

J’écris ces lignes sur un clavier à la vitesse de la lumière. Un monde à deux vitesses, rapide pour les communications, lente pour le transport des personnes et des marchandises, est-il possible? Une chose est certaine : un monde à une seule vitesse, de plus en plus rapide, est insoutenable. Leçon de la nature : les grandes vitesses sont le fait des créatures les plus légères : le lièvre, la gazelle et l’oiseau. L’éléphant économise son énergie. L’être humain n’aurait-il pas intérêt à l’imiter?

***

Le roi Louis XVI, réputé pour sa lenteur, dans ses décisions…et dans sa fuite hors de Paris, mérite ici un hommage, pour son soutien aux frères Montgolfier et pour l’humanité dont il a fait preuve à l’occasion de la démonstration de Versailles, devant 120 000 personnes. Il exigea que les hommes soient remplacés dans la nacelle par des animaux : un coq, un canard et un mouton. Les trois survécurent à l’écrasement de l’aéronef dans une forêt voisine. Louis XVI veilla à ce qu’ils finissent leurs jours dans la luxueuse ménagerie de la reine.

À lire également du même auteur

L'art de la greffe... sur un milieu vivant
Suite de l’article La culpabilité de l’Occident ou la recherche de la vie perdue. Cette vie perdue comment la retrouver? Comme la greffe d’une plante sur une autre, la greffe d’un humain déraciné sur un milieu vivant est un art subtil in

Serge Mongeau
Le mot anglais activist conviendrait à Serge Mongeau. Sa pensée, parce qu’elle est simple sans doute, se transforme toujours en action, une action durable et cohérente. Les maîtres de sa jeunesse, René Dubos et Ivan Illich notamment l’ont mi

Une rétrovision du monde
C‘est dans les promesses d’égalité que Jean de Sincerre voit la première cause des maux qu’il diagnostique et auxquels on ne pourra remédier que lorsque les contemporains dominants, indissociablement démocrates, libéraux et consommateurs-

Éthique de la complexité
Dans la science classique, on considérait bien des facteurs comme négligeables. C'est ce qui a permis à Newton d'établir les lois simples et élegantes de l'attraction. Dans les sciences de la complexité d'aujourd'hui, on tient compte du néglig

Résurrection de la convivialité
Ivan Illich annonçait dès les années 1970 une révolution, littéralement un recyclage, auquel bien des jeunes voudront croire : la convivialité, une opération dont on sort gagnant sur plusieurs fronts : les rapports avec les humains, les out

Mourir, la rencontre d'une vie
Si la mort était la grande rencontre d’une vie, que gagnerait-elle, que perdrait-elle à être calculée ou saisie au passage, contrôlée ou l’objet d’un lâcher-prise, ce thème qui palpite au coeur de la postmodernité ?

Bruyère André
Alors qu'au Québec les questions fusent de partout sur les coûts astronomiques liés à la construction de nouvelles résidences pour aînés, nous vous invitons à découvrir un des architectes les plus originaux des dernières décennies, l'archi




Lettre de L'Agora - Printemps 2025