Déclin des recettes de l'État et moralité

Serge Gagnon

Au Québec, bourgeois et petits bourgeois préfèrent entendre la bonne nouvelle proclamée par des comptables et des fiscalistes: on dénonce la «voracité» du fisc, alors que l’État n’a plus les moyens de donner à manger à ceux qui ont faim.

Les chrétiens d’ici sont peu sensibles aux positions du pape sur les structures de péché (26), noyau dur de plusieurs encycliques. Voudrait-on les sensibiliser, qu’ils refuseraient les privations nécessaires pour que cesse l`injustice structurelle. Les élites catholiques ont depuis longtemps condamné le péché de fraude fiscale, réaffirmé dans le dernier catéchisme romain. Remettre à César c’est donner à l’État le moyen d’amenuiser les inégalités. Arthur Robert, de l`École sociale populaire, le rappelait à ses auditeurs des Semaines sociales à la veille de la Grande crise (27).

Le déclin accéléré des recettes de l’État n’est pas seulement le produit d’une récession qui s’enlise. ll est aussi l’effet de facteurs structurels d’ordre moral: le refus des charges publiques en tant que refus du partage. Après la victoire contre les taxes sur le tabac, va-t-on assister à une nouvelle offensive contre les prélèvements sur les alcools?

 

Notes
(26) Gregory Baum, « Structures de péché », dans Jean-Claude Petit et Jean-Claude Breton, Seul ou avec les autres ?, Montréal, Fides, 1992, p. 221-225.
(27) Arthur Robert, « L’impôt », Semaines sociales du Canada (1929), p. 113-135. « […] l’impôt est une dette de solidarité sociale […] Charges publiques, ces mots expriment bien toute la sociabilité de l’impôt, ils excluent tout individualisme […] l’État fixera une quantité d’impôt qui doit être suffisante afin d’éviter aux générations futures le gros ennui de charges accablantes. […] Avec l’impôt proportionnel les pauvres donnent quasi leur nécessaire tandis que les riches ne donnent que leur superflu. […] Or le pauvre a plus droit à l’existence que le riche au superflu. » Le contribuable doit pouvoir déduire « les charges de famille. […] L’impôt joue donc un rôle éminemment social […] ».

Source :« Le Québec au temps présent : un Dieu absent sans remplaçant? », Laval théologique et philosophique, vol. 51, no 1, p. 22.
 




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