Naissance de l'État-Providence
À cette époque, en Allemagne surtout, l'État apparaît comme l'instrument par excellence du progrès. "Est-il si difficile, écrit Virchow, de concevoir que l'État n'est rien d'autre que la conscience scientifique du temps et que la science d'aujourd'hui combat le dogme et reconnaît le droit naturel plutôt que le droit historique". Sous-entendu: les riches ont des droits historiques, les droits naturels s'appliquent à tous les hommes.
Au même moment, en Allemagne toujours, les philosophies régnantes sont celles de Kant et de Hegel. Dans la première de ces philosophies, l'État apparaît comme la clé de voûte de la civilisation, dans la seconde il est le moteur de l'histoire. Ces idées font partie de l'air que respire Virchow, lequel précisera que la responsabilité à l'égard de la santé publique relève de la définition même de l'État. Virchow ne se contenta toutefois pas de dire que la médecine est une science sociale, il ajouta que la politique n'est rien d'autre que la médecine en grand. Die Medicin ist eine sociale Wissenschaft, und die Politik ist weiter nichts, als die Medicin im Grossen. Phrase lourde de sens et de conséquences dans un pays qui connaîtra cinquante ans plus tard la dictature médicale.