Conciliation travail-famille

Jacques Dufresne
Conférence prononcée devant L’Association du Barreau Canadien à l'Hotel Intercontinental, Montréal, 26 septembre 2002.
Mesdames, messieurs,

Merci de consacrer deux heures à votre déjeuner, de ne pas mettre le conférencier en concurrence avec votre appétit. «Selon le magazine américain Fast Company, la durée moyenne des déjeuners d'affaires n'est plus que de 36 minutes aux États-Unis.» Et elle est ainsi devenue l’une des causes de l’obésité.

Les hommes auront donc abusé de tout, y compris des appareils à mesurer le temps, que le poète latin Plaute voyait déjà comme des ennemis de la civilisation. Voici ce qu’il disait du cadran solaire :

«Les dieux confondent l'homme qui, le premier, trouva
Le moyen de distinguer les heures! Puissent-ils le confondre aussi,
Le misérable qui en ce lieu mit un cadran solaire,
Afin de découper et hacher mes journées.
Lorsque j'étais enfant, mon cadran était mon ventre,
Combien plus sûr et plus précis que tous ceux d'aujourd'hui.
Il me signifiait l'heure de passer à table,
Quand toutefois j'avais à manger.
Mais aujourd'hui, même lorsque j'ai de quoi,
Je n'ai le droit de m'y mettre que si le Soleil est de cet avis,
Et la plupart des gens, ratatinés de faim,
Se traînent dans les rues!»

Le 8 octobre prochain (2002), l’émission Enjeux de la SRC sera consacrée au 24-7. On m’a invité à y faire des commentaires. Pendant le tournage, l’animatrice m’a raconté quelques histoires d’horreur, comme celle de cette jeune femme qui tous les soirs, à minuit, va chercher ses enfants à la garderie. Elle le fait, m’a-t-on dit sans révolte, acceptant de payer de ce prix une liberté à laquelle est reste attachée. Elle travaille pour une entreprise d’informatique qui offre ses services à toute la planète. Elle règle sa montre à l’heure Swatch. Voilà comment nous vivons au moment précis où nous attendions la société des loisirs. En ce moment, il est 560 Swatch beats, à l’heure internet exactement comme à Paris et à Tokyo. Il n’y a plus de fuseaux horaires, il n’y a plus de nuit, il n’y a plus de jour.

Madame passe donc à la garderie vers 250 à l’horloge Internet. À côté du sport extrême, voici le travail extrême. Les cas de ce genre nous forcent à soulever une question dont nos contemporains ont horreur, car elle ébranle l’idée qu’ils se font du progrès: celle de la limite. Tous les êtres humains sans exception doivent respecter des limites dans tous les domaines de leur vie; sauf peut-être au sommet de l’amour. Qui donc a dit que la mesure de l’amour est d’aimer sans mesure? (Cela m’amène à me demander si nous ne souffrons pas d’un transfert ou d’un déplacement d’infini consistant à chasser l’infini de sa vraie place pour l’introduire dans le domaine matériel, composé de choses finies.)

Il y a cinquante ans, dans la société rurale constituant alors la moitié du Québec les gens vivaient au rythme de la nature. Entendez par là qu’ils travaillaient six ou sept mois par année, sans avoir le remord d’être en chômage le reste du temps et sans regretter l’argent supplémentaire qu’ils auraient pu gagner en travaillant 12 mois par année. C’était le rythme dans ma famille quand j’étais enfant. Mes parents étaient gérants d’une coopérative agricole qui fabriquait du beurre. Ce mode de vie a presque complètement disparu ici comme sur l’ensemble de la planète. L’événement décisif dans ce changement aura été une intervention humaine accrue dans la reproduction des troupeaux. Autrefois, les vaches vêlaient toutes en même temps au mois d’avril, sauf dans les troupeaux qui produisaient du lait pour les villes. À partir de la décennie 1950, un contrôle plus rigoureux de la reproduction bientôt facilité par l’insémination artificielle, permet de créer des troupeaux où les vaches vêlaient au moment déterminé par l’homme et où la production de lait demeurait stable tout au long de l’année.

De faits de ce genre on peut tirer la loi suivante: nous nous traitons nous-mêmes comme nous traitons les animaux et l’ensemble de la nature. Parfois, nous appliquons aux humains des procédés qui ont déjà fait leurs preuves chez les animaux. Ce fut le cas pour les nouvelles technologies de la reproduction. Parfois, nous appliquons aux animaux des procédés qui ont réussi chez les humains. En Hollande, on a créé récemment des porcheries, en hauteur, HLM. Quand les défenseurs des droits des animaux accusent les propriétaires de ces fermes de cruauté, vous devinez la réponse qu’ils reçoivent.

L’industrialisation qui a atteint son sommet dans les villes au XIXe siècle et s’est terminée récemment dans les campagnes est indissociable d’un autre phénomène qui a considérément modifié nos rapports avec le temps et notre conception du travail: l’élimination progressive des jours fériés et des interdits frappant les activités commerciales et industrielles.

Dans la tradition chrétienne, la contemplation étant la première condition du salut et pour cette raison l’activité la plus haute, il allait de soi qu’on veuille la favoriser, ce que l’on fit en multipliant les jours fériés. Déjà, en 802, Charlemagne interdit à ses sujets le travail le dimanche et les jours de fêtes déterminés par l'Église. Un développement exponentiel du calendrier religieux survient alors: «Comme les jours réservés à Dieu sont autant d'occasions d'offrandes substitutives des sacrifices, l'Église [...] les multiplie à l'infini. [...] Au IXe siècle, en France, outre les 52 dimanches, l'Église décrète 34 jours fériés». Cela devait rester en gros inchangé jusqu'au XVIIIe siècle. Ainsi Vauban, dans son Projet de dîme royale de 1706, précise-t-il que «le tisserand ne travaille que 180 jours, déduction faite des 52 dimanches, 38 jours de fêtes chômées, 50 jours de chômage pour raisons climatiques, 20 jours de foires, 25 jours de maladies.» Au Québec, cette situation se prolongea plus longtemps encore, jusqu'au XXe siècle en fait, en raison du rôle particulier de l'Église dans la société. L'historien Benoît Lacroix, dans un lumineux ouvrage paru l'an dernier, La foi de ma mère, montre bien l'encadrement temporel du catholique québécois dans la société rurale d'avant la Révolution tranquille.

Mais revenons au Moyen Âge, alors que le développement des villes force l'Église à certains ajustements. Elle impose ainsi son ascendant aux nouveaux corps de métiers urbains «en les plaçant sous la protection d'un saint Patron à qui des jours de repos spécifiques sont dus en plus des autres. Par exemple, au XIVe siècle, les boulangers doivent s'abstenir de cuire le pain quatre-vingts jours en plus de tous les dimanches de l'année.»

À ces considérations philosophiques étaient étroitement associées des considérations pratiques. Pour l’Église, donner des congés étaient aussi une façon de s’attacher les fidèles. On devine la joie avec laquelle le serf au Moyen Âge devaient attendre ces congés qui étaient souvent prétexte à la fête et à la ripaille aux frais du prince. Nos ancêtres chrétiens l’autorité conservait son pouvoir en donnant des congés. Aujourd’hui, les gouvernants se font élire en créant des emplois.

L’industrialisation et la démocratisation ont été caractérisées par la réduction du nombre de jours fériés et souvent aussi par l’accroissement du nombre d’heures de travail les autres jours. Les syndicats ont commencé à freiner cette tendance à la fin du XIXe siècle, mais tout indique qu’avec la mondialisation le processus s’accélère, du moins dans certains groupes de la société, dont la plupart sont situées au sommet de la hiérarchie sociale. À ce propos, il faut souligner un fait nouveau: pour la première fois dans l’histoire de la société c’est au sommet de la société que l’on travaille le plus.

À l’origine d’un phénomène comme celui que nous tentons de comprendre il y a tout un réseau de causes, les unes psychologiques, les autres sociales, je ne peux ici évoquer que quelques-unes de ces causes. Outre celles que je viens d’indiquer, et étroitement liées à elles, la cause la plus déterminante et la plus éclairante est la technique

La technique ne se réduit pas aux machines qui en sont le principal symbole. Elle est une vision du monde centrée sur l’idée de méthode. Dans sa première définition de la technique (1954), Jacques Ellul distingue l'opération du phénomène. L'opération technique recouvre tout travail fait avec une certaine méthode, en vue d'atteindre un certain résultat. «Le phénomène technique est la préoccupation de l'immense majorité des hommes de notre temps de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace.» La technique - en tant qu'opération comme en tant que phénomène - constitue un système, expliquera plus tard Ellul. Un système, c'est-à-dire un ensemble d'éléments en relation les uns avec les autres de façon telle que toute évolution de l'un provoque une évolution de l'ensemble et que toute modification de l'ensemble se répercute sur chaque élément. Le premier caractère du système technicien est l'autonomie. Cela veut dire que la technique ne dépend finalement que d'elle-même, qu'elle trace son propre chemin, qu'elle est un facteur premier. En conséquence, c'est l'homme qui doit s'adapter à la technique et non l'inverse. Elle a permis à l'homme de maîtriser la nature, pour devenir elle-même une seconde nature dont l'homme subit désormais les assauts et à laquelle il doit s'adapter.

Nous nous sommes libérés des limites imposées par la nature et par l’autorité religieuse pour nous laisser imposer une absence de limites par la technique. Nous avons été en réalité victimes d’une machination dont nous avons été nous-mêmes complices. Nous nous sommes enfoncés dans la logique de la productivité en sautant sur l’appât de la liberté.

Les économistes diraient qu’il s’agit là d’un problème structurel et non d’un problème conjoncturel. On ne résout pas facilement un tel problème. Puisque que cette modification de nos rapports avec le temps, avec nous-mêmes et avec nos proches a été accompagnée d’une modification de nos rapports avec la nature, il nous sera impossible d’opérer les changements souhaités dans nos vies sans opérer des changements analogues dans nos rapports avec la nature.

C’est peut-être la raison pour laquelle tant de citadins deviennent membres de l’Union paysanne. Ils espèrent sans doute sortir eux-mêmes de la spirale technicienne en provoquant une désindustrialisation de l’agriculture.

Quoi qu’il en soit, l’heure est venue de parler du développement durable des humains. Or il se trouve que ceux qui en ce moment sont à la fine pointe du développement durable de l’économie nous offre d’excellents modèles pour penser le développement durable des humains.

En marge des sommets mondiaux et de la théâtralisation des événements auxquels ils se prêtent il se passe en ce moment, sur le terrain des choses fort intéressantes et fort prometteuses. Une intégration de l’économie et de l’écologie s’ébauche. Les notions de capital naturel et de services écosystémiques gagnent du terrain chaque jour. Un arbre est un bel exemple de capital naturel. Un grand arbre mort vaut quelques milliers de dollars. Vivant il vaut des centaines de milliers de dollars. Combien coûte une bonbonne d’oxygène ? Combien un arbre en remplirait-il chaque année ? La pollinisation est un bel exemple de services écosystémiques. On assigne désormais un prix à ces services parce qu’on les sait menacés et parce qu’on connaît le coût des services artificiels de remplacement. Cette façon de voir ouvre d’étonnantes perspectives. Dans la vallée de la Moselle, on confie maintenant aux abeilles des tâches d’analyse de l’environnement auparavant confiées à des techniciens. La cire le miel et le propolis contiennent en effet des traces des composantes de l’environnement que l’on a intérêt à mesurer.

D’une économie de l’extraction, où la nature n’est qu’un fournisseur de matière brute on passe à une économie de l’interprétation où la nature est une sources de modèles dont nous devrions nous inspirer pour améliorer nos procédés industriels et nos méthodes de travail.

On avait tendance à l’oublier, il existe aussi une nature humaine. Elle contient les ressources renouvelables les plus précieuses: la créativité, la culture, la force morale. Hélas on en est encore à l’économie d’extraction dans ce domaine. Quand on découvre une mine d’idées, sous la forme d’une personne créatrice et en forme au point de pouvoir travailler dix-huit heures par jour, on la vide le plus rapidement possible comme on l’aurait fait d’une mine de charbon au XIXe siècle. alors qu’on aurait intérêt à l’entourer des soins les plus subtils de façon à ce qu’elle devienne de plus en plus précieuse avec le temps, les avantages de l’expérience s’ajoutant à une créativité demeurée intacte.

C’est l’estime de soi qui est d’abord en cause. Elle avait jadis un fondement métaphysique. Selon les écoles philosophiques anciennes, nous étions faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, selon les grandes écoles modernes nous étions en tant que personnes humaines une fin et non un moyen. Un tel être, s’il était conscient de son statut, ne pouvait pas accepter de se laisser réduire à une ressource non renouvelable dans une entreprise d’extraction d’idées.
L’estime de soi a perdu son fondement métaphysique. C’est là le premier problème et le plus grave. Mais puisque nous acceptons de nous laisser définir par notre utilité et par le plaisir qui l’accompagne, nous pourrions avoir au moins le souci de faire durer cette utilité le plus longtemps possible.

L’estime de soi est indissociable de la paresse, du moins si définit cette dernière comme l’art de produire les meilleurs résultats, en qualité et en quantité sans mettre en péril nos ressources renouvelables. D’où la nécessité de faire l’éloge de la paresse, ce qui suppose qu’on la réhabilite sur le plan philosophique et théologique. Ce qui supposerait qu’on la retire de la liste des péchés capitaux, où elle a remplacé le péché dont on avait le plus horreur au Moyen Âge, à l’époque des jours fériés, l’acedia, un mal de l’être, une sorte d’exacerbation de la tristesse semblable à ce que nous appelons aujourd’hui dépression.

L’effort est seulement efficace. La paresse est efficiente. Elle permet de conserver les avantages de l’effort sans hypothéquer les ressources renouvelables de la personne.

Éloge de la paresse

Je voudrais dans les minutes qu’il me reste vous proposer quelques règles simples, mais sages, pour accéder au sommet de la paresse.

Pour commencer, la règle d’or. Elle s’applique aux gestionnaires mais elle devrait inspirer tout autant ceux qui sont au bas de la hiérarchie dans les entreprises.

1) Accorder aux idées leur juste prix

Dans une économie du savoir, comme est la nôtre, ce sont ce sont les bonnes idées qui font les grands résultats. Il faut hélas! le rappeler car la plupart d’entre nous vivent le travail intellectuel avec la mentalité des ouvriers de la fin du XIXe siècle.

Voici à titre d’exemple, une bonne idée qui vaut à elle seule un millénaire de sueur médicale.
Au XIXe siècle, le taux de mortalité dans les maternités des hôpitaux européens pouvaient atteindre 40%. Le docteur Philip Ignace Semmelweiss a eu l’idée de demander aux médecins qui faisaient les accouchements de se laver les mains avant d’intervenir. Du jour au lendemain, Semmelweis a obtenu dans ses services des résultats comparables à ceux d’aujourd’hui. Malheureusement une contre-expertise commandée par les plus grands médecins d’Europe a joué en sa défaveur et les femmes ont continué de mourir des fièvres puerpérales pendant cinquante autres années.

Même dans le travail manuel, ce sont les bonnes idées analogues à celle de Semmelweiss, si modeste soit-elle, qui détermine le résultat. Du premier jour au dernier que j’ai passé dans un milieu de travail normal, j’ai vu partout autour de moi des gens qui s’épuisaient inutilement à défaut d’avoir de bonnes idées et de les suivre. Par quel étrange masochisme étaient-ils minés? Comment repérer et éliminer les comportements au travail et à la maison qui ne sont pas dictés par le souci du résultat, mais par une obscure volonté de se punir soi-même et de punir son entourage.

2) Ne rien faire/Tout faire faire/Ne rien laisser faire

Voici la règle d’argent. Vous me direz qu’il s’agit là d’une règle méprisante pour les humbles d’entre nous. C’est là une bien mauvaise interprétation. Les personnes les mieux placées pour faire les choses à notre place sont souvent celles qui nous sont supérieures. J’ai appris cela très tôt dans ma carrière. Au cours de la décennie 1970, j’ai fondé et dirigé la revue Critère, un périodique interdisciplinaire. En vue d’un numéro sur le crime que nous songions à faire, j’avais commandé aux services informatiques une bibliographie détaillée sur le sujet. Il aurait fallu cinq ans à une équipe de 10 chercheurs pour tirer un bon numéro de revue de cet océan d’informations. J’ai alors appris qu’il y avait à l’Université de Montréal, au département de criminologie, un certain professeur Ellenberger, un homme d’une érudition exceptionnelle qui avait de notre sujet une vue d’ensemble aussi bien qu’une bonne connaissance des détails. Je suis allé le rencontrer. Je suis sorti de son bureau deux heures plus tard avec un excellent plan pour notre numéro, un intermédiaire pour entrer en contact avec des collaborateurs de premier ordre et un ami. J’ai appliqué ensuite la même méthode dans tous mes travaux, chaque fois que la chose a été possible. Comme ils nous sentent et nous savent alors humbles par rapport à nos maîtres, nos collaborateurs sont plus disposés encore à nous aider que si nous prétendions pouvoir tout faire nous-mêmes. La chose la plus difficile c’est de ne rien laisser faire, mais même en cela on peut se faire aider.

3) Subordonner l’effort au résultat

En raison de l’égalitarisme ambiant et d’autres vertus chrétiennes devenues folles, nous habituons les enfants dès leur plus jeune âge à l’idée que c’est l’effort qui importe. Nous sommes satisfaits d’eux si nous estimons qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient pour obtenir les meilleurs résultats. Nous devrions plutôt les orienter vers les domaines où ils obtiennent les meilleurs résultats avec le minimum d’efforts et le maximum de plaisir. Par notre méthode actuelle, nous entretenons ainsi une mentalité déplorable telle que ceux-là mêmes qui sont capables de résultats vont cultiver l’effort inutile. Le résultat sans l’effort est un scandale pour plusieurs. Ce type de morale n’a pas sa place au travail où il faut au contraire viser le résultat sans effort.

4) Déduire du résultat les pertes en capital naturel personnel

C’est le principe du pollueur payeur appliqué aux ressources humaines renouvelables. Vous me direz que nous manquons de méthodes et d’outils pour évaluer les atteintes au capital naturel personnel. Bien des gens semblent en effet dépourvus sur ce plan. Ils ignorent où sont les indicateurs de l’état de leur créativité. Comme «la perte de l’âme est indolore,» nous attendons pour la diagnostiquer des crises majeures qui sont souvent irréversibles: dépression, burn-out, cancer. Nous attendons d’être à moitié morts pour découvrir que nous sommes malades. Il existe pourtant des méthodes et des outils pour faire le diagnostic avant qu’il ne soit trop tard.

En voici une. Essayer de revivre par la pensée les moments de votre vie, où vous a-t-il semblé, votre créativité atteignait un sommet. Établissez ensuite une liste des défis que vous releviez alors avec allégresse: trouver une solution originale à un vieux problème de géométrie, apprendre des poèmes par coeur, vous initier à un nouvel instrument de musique en quelques semaines etc. Demandez-vous ensuite si vous pourriez faire des choses équivalentes aujourd’hui avec la même allégresse.

La seconde méthode est expérimentale. Prenez un congé sabbatique de six mois, aller faire l’Appalachian Trail ou le Chemin de Compostelle, si vous êtes sédentaire construisez une grande de vos mains. À la fin de cette purification, prenez note des défis que vous aurez plaisir à relever et comparez vos performances avec celles d’avant votre congé.

5) Ne pas confondre l’action avec la passivité agitée.

C’est la volonté présente dans nos gestes qui leur donne le statut d’action. Quand j’applaudis par mimétisme ou par conformisme plutôt qu’à la suite d’un jugement personnel, je n’agis pas je suis agi, je m’agite. Bien des gens s’agitent au travail.

6) Savoir doser la vitesse et la lenteur dans l’exécution des tâches

La lenteur pet être créatrice et la vitesse contre-productive. Il y des choses qu’on ne peut faire bien qu’en les faisant vite: faire sauter des crêpes par exemple. Certains en concluent que l’efficacité dans le travail consiste à faire sauter des crêpes en permanence. Ils oublient que le pot au feu exige un autre rythme.

6) Aborder les défis en athlète plutôt qu’en victime

Cette idée, assez banale je le reconnais, est associé à une histoire bien concrète, celle d'une amie qui est sûrement l'une des femmes les plus occupées du monde, puisqu'elle est responsable des politiques de l'emploi et de la santé à la Commission européenne. Après le dernier G8 de ce secteur à Montréal, en mai dernier, elle a trouvé le moyen de venir passer 36 heures avec nous, même si elle avait d'autres missions à l'étranger la semaine suivante. Elle a enchanté notre fin de semaine par son attention aux petites choses de notre vie, par l'évocation de nos souvenirs communs, tout en trouvant le temps de tirer l'essentiel de deux ou trois livres trouvés dans notre bibliothèque. Bel exemple d'une personne qui prend les défis en athlète. Quel est le secret de ces personnes? Elles sont à la hauteur de leurs responsabilités et ont le don de vivre sous la forme d'un plaisir de la vie privée diverses choses qui sont de plus grande utilité pour leur travail. La façon dont notre amie a profité de notre information et de notre bibliothèque est un bel exemple de ce dont je parle.

Voici maintenant quelques règles élémentaires d’une hygiène au travail propre a assurer la protection et l’enrichissement du capital naturel personnel :

Ne jamais faire éveillé ce qu’on peut faire en dormant.

Ne jamais confier à la conscience des tâches dont l’inconscient peut s’acquitter convenablement.

Éviter de faire assis un travail que nous pouvons faire en marchant.
Les grandes idées ne nous viennent qu’en marchant (Nietzsche)

Puisqu’il faut parfois s’asseoir, que ce soit d’abord devant une table bien garnie.

Puisqu’il faut parfois s’asseoir à un bureau, que ce soit devant une fenêtre donnant sur un extérieur invitant et sur un siège que l’on aura plaisir à quitter.

Si nous attachons tant d’importance à la quantité de temps consacré au travail, ne serait-ce pas parce nous dissocions le temps de la façon dont il est vécu, oubliant qu’une heure joyeuse et créatrice en vaut souvent dix servile et triste?

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