Article «Scopas» de L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

Le Chevalier de Jaucourt
Extrait de l'article "Sculpteurs grecs" de L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, et signé par le chevalier de Jaucourt qui reproduit pour l'essentiel ce que Pline a écrit sur Scopas.
SCOPAS naquit à Paros et fleurissait à Éphèbe vers la centième olympiade. Il travailla avec d'illustres concurrents au fameux mausolée qu'Artémise fit ériger à Mausole son mari, mort la 106 olympiade dans la ville d'Halicarnasse. Sa colonne pour le temple de la Diane d'Éphèse passait pour la plus belle de toutes; mais sa Vénus qui fut dans la suite transportée à Rome, était son chef-d'œuvre. On a même prétendu qu'elle égalait en beauté celle de Praxitèle. Outre Vénus, Scopas avait fait un Phaëton, un Apollon, une Vesta avec deux filles assises à terre à ses côtés, un Neptune, une Thétis, un Achille, un Mars, et la plupart de ces statues étaient à Rome. L'Amour, Pothos (le Désir) et Phaëton étaient encore trois statues de ses mains, qu'on voyait avec admiration dans le temple de Vénus Praxis à Mégare. Cet excellent artiste les avait représentées aussi diversement que ces trois choses sont différentes; mais il faut représenter le détail entier que Pline nous a donné des ouvrages de ce grand maître.

Il fit, dit-il, Vénus, Pothos et Phaëton, qui sont adorés en Samothrace avec les cérémonies les plus saintes: l'Apollon Palatin, la Vesta assise, ayant auprès d'elle deux vestales assises à terre; ce dernier est très célèbre. Scopas a répété les deux vestales; elles sont dans les bâtiments d'Asinius Pollio, où l'on voit de pus une canéphore; mais ce que l'on trouve supérieur, et que l'on voit dans le temple de Cn. Domitius, au cirque de Flaminius, ce sont les figures de Neptune, de Thétis, d'Achille, des Néréides assises sur des dauphins et des chevaux marins, des tritons avec une trompe à la suite de Phoreus; enfin plusieurs autres choses convenables aux divinités de la mer.

Nous ne connaissons pas, continue-t-il, tous les morceaux qui sont sortis de la main de cet artiste; cependant il a exécuté Mars assis et de proportion colossale. Cette statue a été placée dans le temple de Brutus Gallaïeus, dans le même cirque où l'on voit de plus une Vénus nue capable de rendre célèbre tous les autres lieux qui pourraient la posséder; mais l'air de grandeur et magnificence qui règne partout dans la ville de Rome, peut seul étouffer la réputation de ces grands morceaux: il n'est pas possible de les admirer et les contempler; le mouvement des affaires détourne sans cesse, et l'admiration des chef-d'œuvres a besoin du silence et de la tranquillité de l'esprit.

Cette peinture du mouvement de la ville de Rome est peut-être plus frappante que toutes celles qui se trouvent dans aucun autre auteur.

On ne sait, continue Pline, si c'est à Scopas ou à Praxitèle que l'on doit attribuer la Niobé mourante avec ses enfants; ce groupe est placé dans le temple d'Apollon Sosien. Le sujet de Niobé se voit encore en partie dans la vigne de Médicis à Rome; mais il est douteux si ce restes appartiennent à celui dont parle Pline.

On ignore aussi, continue toujours cet auteur, lequel de ces deux artistes, Scopas ou Praxitèle, a fait le Janus que l'on voit au temple d'Auguste, et que ce prince a fait transporter d'Égypte: on le sait d'autant moins que l'on a fait dorer la figure.

Voilà, dit M. de Caylus, une raison tirée de l'art: car il est constant que toute couleur, dorure ou vernis appliqué sur une statue, ôte des finesses, empêche de distinguer la touche, émousse les vives arêtes, dénature l'expression de la chair, et par conséquent empêche souvent les connaisseurs de l'attribuer à un maître plutôt qu'à un autre. Les anciens alliaient encore quelquefois, dans les ouvrages de sculpture en ronde-bosse, les marbres de couleur, l'or, l'ivoire et le bronze. Les modernes ont heureusement banni cette fausse magnificence, qui diminue, interrompt l'effet, et ne produit aux yeux qu'un papillotage dans goût.

Je reviens à Scopas, pour dire, en finissant mon article, que son nom acquit de plus en plus de la célébrité, non seulement par ses ouvrages qui subsistent, mais parce qu'il avait des émules et des rivaux d'un grand mérite. Horace, ode viii, livre IV., en fait lui-même un bel éloge. «Si j'avais, dit-il, un cabinet enrichi des chefs-d'œuvres de Parrhasius ou de Scopas...»

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