Le rire

Achille Millien

Le rire clair et sain ne hante plus nos lèvres.
Le rire large et haut, joyeusement vibrant,
Ne sait plus, comme aux jours de l’aïeul calme et franc,
S’envoler de nos coeurs brûlés de folles fièvres.

Le rire où se mêlait liesse et réconfort,
Le rire cordial pour la lutte prochaine,
Qui, détendant l’esprit oublieux de la peine,
Le rendait plus égal, plus tranquille et plus fort,

Lumineux, éclatant, plus vif qu’une fusée,
Sonore, épanoui, plus gai qu’un chant d’oiseau,
Plus frais que le premier bouton de l’arbrisseau ;
C’était comme la fleur de l’âme reposée.

Notre sombre gaîté sonne faux. Aujourd’hui
Que nous errons sans but, privés d’espoirs suprêmes,
Inquiets, défiants de tous et de nous-mêmes,
Le rire, sous un vent d’âpre amertume, a fui ;

Et d’un ennui nouveau traînant le poids immense,
Nos fronts portent le sceau d’une morosité
Où – Dieu garde nos fils de cette hérédité ! –
Plus d’un voit en tremblant des germes de démence.

Autres articles associés à ce dossier

Le rire et la liberté

Auguste Penjon

Alors que pour l'auteur de Rire, Henri Bergson, le comique c’est de l’automatisme installé dans la vie et imitant la vie, il est pour P

Rire à en vivre

Jacques Dufresne

Vers la fin de la décennie 1970, un journaliste New Yorkais, Norman Cousins, alors directeur de la Saturday Review, connut la célébrité en tant qu

Le rire

Marcel Schwob

Préface à Messieurs les Ronds-de-cuir de Courteline, reprise dans Spicilège




Articles récents