Là où l'amour est proscrit

Platon
« Il n'est pas difficile de comprendre les lois qui règlent l'amour dans les autres pays, car elles sont précises et simples. Il n'y a que les villes d'Athènes et de Lacédémone où la coutume soit sujette à explication. Dans l'Élide, par exemple, et dans la Béotie, où l'on est peu habile dans l'art de parler, on dit simplement qu'il est bon d'accorder ses faveurs à qui nous aime; personne ne le trouve mal, ni jeune ni vieux. Il faut croire que dans ces pays on a ainsi autorisé l'amour pour en aplanir les difficultés, et afin qu'on n'eût pas besoin pour se faire aimer de recourir à des artifices de langage dont les habitants ne sont pas capables. Mais ce commerce est déclaré infâme dans l'Ionie et dans tous les pays soumis à la domination des Barbares; on y proscrit également la philosophie et la gymnastique : c'est qu'apparemment les tyrans n'aiment point à voir qu'il se forme parmi leurs sujets de grands courages ou des amitiés et des liaisons vigoureuses; or, c'est ce que l'amour sait très-bien faire. Les tyrans d'Athènes en firent autrefois l'expérience : l'amour d'Aristogiton et la fidélité d'Harmodius renversèrent leur domination. Il est donc visible que, dans les États où il est honteux d'accorder ses faveurs à qui nous aime, cette sévérité vient de l'iniquité de ceux qui l'ont établie, de la tyrannie des gouvernants et de la lâcheté des gouvernés; mais que, dans les pays où l'on dit simplement qu'il est bien d'accorder ses faveurs à qui nous aime, cette indulgence est une preuve de grossièreté. »

Autres articles associés à ce dossier

Le réseau de la compassion

Vickie Cammack

Au colloque sur la Philia qui s'est tenu à l'automne 2003 à Orford, il a été beaucoup question de don, selon le sens donné à ce concept par le s

Choisir la philia

Jacques Dufresne

Voici l'éditorial d'un numéro du magazine L'Agora intitulé L'État, le marché et la phi

À lire également du même auteur

Rien de plus désirable au monde que d'avoir un ami
« Il y a une chose que je désire depuis mon enfance, comme tout homme a son désir à lui : l'un veut avoir des chevaux, un autre des chiens, un autre de l'or, un autre encore des honneurs. Pour moi, je suis indifférent à tout cela, mais je ne sais rien de plus désirable au monde

Pour peu que l'homme qui veut combattre pour la justice veuille vivre
« Tout homme qui voudra s'opposer franchement et généreusement à tout un peuple, soit à vous, soit à d'autres, et qui se mettra en tête d'empêcher qu'il ne se commette des iniquités dans la république , ne le fera jamais impunément. Il faut de toute nécessité q

Pour peu que l'homme qui veut combattre pour la justice veuille vivre
« Tout homme qui voudra s'opposer franchement et généreusement à tout un peuple, soit à vous, soit à d'autres, et qui se mettra en tête d'empêcher qu'il ne se commette des iniquités dans la république, ne le fera jamais impunément. Il faut de toute nécessité qu

Phèdre - 2e partie
« PHÈDRE, SOCRATE.SOCRATE.Tu n’entends rien, mon cher Phèdre, aux détours de la vanité (30) ; et tu ne vois pas que nos hommes d’État les plus fiers sont ceux qui aiment le plus à composer des discours et à laisser des écrits. Dès qu’ils ont mis au jou

Phèdre - 1re partie
« SOCRATE, PHÈDRE.SOCRATE.Mon cher Phèdre, où vas-tu et d'où viens-tu ?PHÈDRE.Je viens, Socrate, de chez Lysias (1), fils de Céphale, et je vais me promener hors des murs ; car j'ai passé toute la matinée assis auprès de lui, et pour suivre le précepte d'Acuménos

Lysis
« SOCRATE, HIPPOTHALÈS, CTÉSIPPE, MÉNEXÈNE, LYSIS.SOCRATE.J'allais de l'Académie tout droit au Lycée par le chemin extérieur qui longe le mur, lorsque, arrivé près de la petite porte où se trouve la source du Panopus, je rencontrai Hippothalès, fils d’Hié

Limites de l'écrit
«La-dessus, en tout cas, il n'existe pas d'écrit qui soit de moi, et il n'en existera jamais non plus: effectivement ce n'est pas un savoir qui, à l'exemple des autres puisse aucunement se formuler en propositions; mais, résultat de l'établissement d'un commerce répété avec c




L'Agora - Textes récents