L'acte de naissance protège les droits de l'enfant

Judy Aïta
Nations unies - Selon un récent rapport de l'UNICEF (Fonds des Nations unies pour l'enfance), intitulé "L'enregistrement à la naissance - un droit pour commencer", des millions de bébés, aux quatre coins de la planète, ne sont pas enregistrés à la naissance et sont ainsi, tout au long de leur vie, privés de tout un éventail de droits et de débouchés.

Sans certificat de naissance, document que l'UNICEF appelle "une carte de membre", ces enfants peuvent se voir refuser le droit à l'éducation, aux soins médicaux et à une protection. Par la suite, l'enfant privé d'état civil peut ne pas être en mesure d'obtenir un véritable emploi, se faire faire un passeport, ouvrir un compte en banque, obtenir une autorisation de mariage, se présenter à une fonction électorale ou voter.

Selon les estimations de l'UNICEF, quelque 50 millions de bébés, soit 41 % de l'ensemble des naissances, n'ont pas été enregistrés en 2000. Dans 19 pays, au moins 60 % de tous les enfants âgés de moins de cinq ans ne sont pas enregistrés à la naissance.

"Un acte de naissance est l'un des papiers les plus importants qu'une personne puisse posséder", a dit Mme Carol Bellamy, directrice générale de l'UNICEF. "Si nous ne l'obtenons pas dès le début et n'enregistrons pas les bébés, c'est le parcours du combattant. Les enfants non enregistrés manquent de la protection la plus élémentaire contre les abus et l'exploitation, et constituent une proie de prédilection pour les trafiquants d'enfants, les réseaux d'adoption illicite, et autres personnes qui cherchent à profiter de leur non-statut."

De l'avis de Mme Marta Santos Pais, directrice du Centre de recherche Innocenti de l'UNICEF, qui a préparé le rapport, ce document dévoile de façon dramatique l'ampleur du problème.

Lors d'une conférence de presse organisée le 4 juin, elle a fait valoir que les enfants non enregistrés étaient invisibles au sein de leur société. "Nous pensons que lorsqu'ils ne sont pas comptés, ils semblent ne pas l'être non plus dans l'élaboration des politiques. Il est très difficile de prévoir comment allouer le mieux possible les ressources réservées aux enfants lorsqu'on ignore leur nombre exact", a-t-elle dit.

Et de souligner: "Comment pouvons-nous garantir leur accès à l'école si nous ne pouvons pas prouver qu'ils existent en tant que personne ? Comment pouvons-nous les protéger de l'exploitation, les protéger des trafiquants, empêcher qu'ils soient obligés de participer aux conflits ou de se marier avant l'âge minimum s'ils ne peuvent prouver leur âge?"

Long de 32 pages, le rapport fait ressortir l'ampleur du problème à l'échelle mondiale, mais met aussi l'accent sur les pays qui y ont trouvé des solutions.

En Afrique subsaharienne, plus de 70 % des naissances, soit environ 17 millions d'enfants, n'ont pas été enregistrés en 2000. L'Asie du Sud a le plus grand pourcentage d'enfants non enregistrés : 63 %. Ils totalisent environ 22,5 millions, soit plus de 40 % du total mondial.

"Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, près d'un tiers des enfants nés en 2000 (trois millions) n'ont pas la reconnaissance légale de leur identité, alors qu'en Asie de l'Est et en Océanie, 22 % des naissances - environ 7 millions d'enfants - n'ont pas été enregistrées", soulignent les auteurs du rapport.

Les chiffres ont été obtenus à la suite d'enquêtes menées de porte à porte par le Centre Innocenti et d'autres organisations. Ils ont ensuite été comparés aux chiffres officiels. Les enquêtes avaient été faites en préparation de la session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU portant sur les enfants qui s'est tenue du 8 au 10 mai 2002.

"Ce sont les statistiques internationales les plus complètes et les plus à jour en ce qui concerne cette question particulière. Elles donnent une idée de l'importance du défi auquel se heurte la communauté internationale ", a dit Mme Santos, faisant cependant remarquer que les chiffres étaient approximatifs et que la réalité pouvait être pire.

Le Rwanda figure parmi les pays où un grand nombre d'enfants ne sont pas enregistrés. L'enregistrement des naissances s'élevait à plus de 80 % dans ce pays en 1973, mais les certificats de naissance mentionnant l'origine ethnique du détenteur furent utilisés à des fins meurtrières par les auteurs du génocide en 1994. En 1998, le Rwanda figurait parmi les pays où le niveau d'enregistrement des naissances était le plus bas.

Au Cambodge, les registres d'état civil furent détruits sous le régime de Pol Pot et le gouvernement actuel n'a pas fini de les reconstituer.

Au Niger, seulement 45 % des naissances sont enregistrées et ce pourcentage est encore plus faible parmi les populations nomades.

En Chine, on estime que le nombre d'enfants non enregistrés pourrait atteindre six millions.

Parmi les pays où un fort pourcentage de naissances sont enregistrées, on compte l'Algérie (97 %), la Malaysie, Maurice et l'Ouzbékistan. Certains pays ont mené des campagnes efficaces visant à augmenter l'enregistrement des naissances, notamment le Bangladesh, le Timor oriental, l'Equateur, l'Ethiopie, la Namibie et l'Ouganda.

"Lorsque les gouvernements manifestent une véritable volonté politique d'obtenir une amélioration du nombre des enfants enregistrés, des campagnes sont menées à tous les niveaux auxquelles s'associent les ONG, les églises, les chefs de file des communautés, les chefs religieux", a précisé Mme Santos.

Les difficultés sont nombreuses, a-t-elle fait remarquer, ajoutant que certains gouvernements ne font pas preuve de l'engagement politique nécessaire, que le problème des mauvaises routes et du manque de transports en commun rendent inaccessibles les centres d'enregistrement généralement situés dans les villes, que les frais attachés à l'enregistrement sont souvent trop élevés pour des familles pauvres, et que certains pays ont des lois qui stigmatisent les mères célibataires.

Ce ne sont pourtant pas les solutions qui manquent et certains pays les ont mises à profit pour améliorer fortement le pourcentage des enfants enregistrés.

L'Ouganda est un exemple de ces pays où un chef d'Etat et d'autres responsables ont pris très au sérieux le problème des enfants non enregistrés.

"Dans son discours d'investiture, en 2001, le président de l'Ouganda a fait de l'enregistrement des naissances une priorité nationale. Nous constatons aujourd'hui que des milliers d'enfants sont enregistrés dans ce pays grâce à des procédures très décentralisées et à la forte participation de la société ", a expliqué Mme Santos.

En Angola, les campagnes visant l'enregistrement des naissances ont montré que malgré les ravages d'une longue guerre civile, la population s'intéressait vivement à faire enregistrer les enfants. Au cours des quatre premiers mois d'une campagne lancée en 2001, on a constaté l'enregistrement de plus de 230.000 enfants. La campagne a si bien réussi qu'à un moment donné le gouvernement avait épuisé ses réserves de formulaires.

"Les pays s'étant engagés ici à New York il y a seulement un mois, lors de la session spéciale sur les enfants, nous espérons qu'à la fin de la décennie tous les enfants seront enregistrés et, en fait, qu'ils seront mieux protégés de l'exploitation et qu'ils auront une meilleure chance d'accéder à l'enseignement, aux soins médicaux et à la protection sociale", a conclu Mme Santos.

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