Hitler et la notion de force
Et voici le commentaire de Simone Weil: «Hitler a très bien vu l’absurdité de la conception du XVIIIe siècle encore en faveur aujourd’hui, et qui d’ailleurs a sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles, on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leur relations mutuelles. C’est une absurdité criante. Il n’est pas concevable que tout dans l’univers soit soumis à l’empire de la force et que l’homme y soit soustrait, alors qu’il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles. Il n’y a qu’un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l’œuvre dans l’univers, à côté de la force, un principe autre qu’elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse et souveraine des relations humaines aussi.
Dans le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu’elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie notamment par Newton, au XIXe, au XXe siècle. Dans le second on se met en opposition radicale avec l’humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui sous une forme considérablement dégradée a servi d’inspiration à la IIIe République» (2).
Notes
1 Cité par Simone Weil in L’Enracinement, Éditions Gallimard, 1949, p. 302.
2 Ibid., p. 303.