Né en 1805 à Oberplan (Horni Plana), en Bohême méridionale, Adalbert Stifter, écrivain et artiste autrichien, s'est suicidé à Linz en 1868. Après la mort accidentelle de son père en 1817, il voulut se laisser mourir de faim. L'année suivante, il entreprend ses études à l'abbaye bénédictine de Kremsmünster et entre, en 1824, à l'Université de Vienne. En 1827, il s'éprit de Fanny Greipl, la fille d'un marchand aisé de Vienne. Mais, dans sa correspondance avec la jeune fille, il se déprécia lui-même comme amant. Il refusa de participer à concours pour obtenir une chaire de physique à Prague, ce qui déplut aux parents de Fanny, qui le perçurent comme un homme sans ambition ni avenir. En 1832, il rencontra Amalia Mohaupt, une ancienne prostituée, qu'il épousa en 1837. Resté sans enfants, le couple adopta plus tard les enfants d'un frère d'Amalia dont une fille qui se suicidera en se jetant dans le Danube. Arès cet incident tragique, Stifter s'enfonça dans une grave dépression* Jusqu'en 1840, Stifter reste partagé entre deux vocations : la peinture et la littérature. La publication de sa première nouvelle Der Kondor (Le condor) le rend célèbre. Pendant huit ans, il vivra de sa plume et de leçons particulières. Après les troubles révolutionnaires de 1848, il est nommé, en 1850, Inspecteur des écoles primaires de Haute-Autriche. Stifter prend sa retraite en 1865. Gravement malade, Stifter meurt à Linz, en 1868, après s'être tranché la gorge.
Peter Handke, écrivain, traducteur et réalisateur autrichien, fait lire par l'un des personnages de sa pièce les Gens déraisonnables sont en voie de disparition tout un long passage de ce roman de Stifter. Nietzsche* écrit dans Le Voyageur et son ombre: « Si l'on excepte les écrits de Goethe*et en particulier les Conversations de Goethe avec Eckermann, le meilleur livre allemand qui existe: que reste-t-il de la littérature en prose allemande qui mérite d'être relu et relu encore? Les Aphorismes de Lichtenberg, le premier tome de l'Autobiographie de Jung-Stlling, L'été de la Saint-Martin [Die Nachtsommer] d'Adalbert Stifter et Les Gens de Selwyla de Gottfried Keller, c'est tout pour l'instant. » Thomas Mann* reconnaît en lui un «narrateur énigmatique, secrètement audacieux, au charme très singulier ». Depuis la fin du XX° siècle, Stifter trouve en France un accueil très favorable. Une dizaine de ses livres ont été récemment traduits en français.
Oeuvres traduites en français
Dans la forêt de Bavière, Saint-Maurice : Premières pierres, 2010.
Fleurs des champs, Belval : Circé, 2008.
Les deux soeurs, Belval : Circé, 2004.
L'arrière-saison : récit , Paris : Gallimard, 2000.
Brigitta, Tours : Farrago, 2000.
Descendances : nouvelle, Nîmes : J. Chambon, 1996.
L'homme sans postérité : roman, Paris : Editions du Seuil, [1995?], c1978.
Pierres multicolores. 1, Cristal de roche : nouvelles, Nîmes : J. Chambon, 1995.
Le condor, Rezé : Séquences, 1994.
Le village de la lande : nouvelle, Nîmes : J. Chambon, 1994.
Tourmaline : pierres multicolores II : nouvelles, Nimes : J. Chambon, 1990.
Les cartons de mon arrière-grand-père, Nimes : J. Chambon, c1989.
Le château des fous (Die Narrenburg), Paris : Aubier, c1978.
« Adalbert Stifter organise son roman principal, L'été de la Saint-Martin (Die Nachsommer ou L'arrière-saison), en établissant d'étranges relations en miroir entre ses personnages. [...] Stifter se drapait de la nature comme d'une étoffe (pour son œuvre), d'une enveloppe de son symptôme, d'une doublure. Or, à l'acmé de sa pire crise mélancolique, cette étoffe se déchire et il aperçoit la vraie nature de la nature : « un monstre blanc » qui veut sa peau. Le signifiant de la vie rejeté à deux reprises - une fois par l'Autre maternel qui refuse d'authentifier la signification phallique de la tige de blé, une deuxième fois quand Shifter doit répondre à son engagement amoureux avec Fanny - fait retour sous la forme du cadavre d'une femme. Le suicide de celle-ci s'est sans doute répercuté dans ses propres idées suicidaires, qui le hantaient à l'époque. Là encore, une femme fait signe de derrière le miroir à cet auteur tourmenté par l'idée d'être exclu de la chaîne des générations ».
(Franz Kaltenbeck, « Le suicidé et son double : de l'écriture mélancolique » dans Geneviève Morel, dir., Clinique du suicide, Toulouse, érès, 2010, p. 110-111. Voir aussi dans le même article une approche psychanalytique de la personnalité de l'écrivain autrichien : « Adalbert Stifter ou le rejet de la vie », p. 98-103.
Extraits
« Quand un très vieil homme se retrouve debout sur une montagne d'actions diverses, à quoi cela lui sert-il? J'ai fait beaucoup de choses diverses, qu'est-ce que j'en ai de plus? Tout s'effondre dès l'instant que vous n'avez pas créé une existence qui continue par-delà la tombe : celui qu'en son âge assiste fils, petits-enfants et arrière-petits-enfants, celui-là souvent vivra mille ans. Et quand il s'en est allé, elle continue semblable à elle-même après la mort : elle se perpétue si bien que personne ne remarque qu'avec lui une petite parcelle de cette vie est passée de l'autre côté pour ne plus revenir. Mais avec ma mort, ce sera la ruine de tout ce que j'ai été en tant que personne... Voilà pourquoi tu dois te marier, Victor, et te marier très jeune. Voilà aussi pourquoi il te faut de l'air et de l'espace pour remuer tes membres ». (L'homme sans postérité)
« Si nous considérons l'humanité dans l'histoire comme un fleuve argenté coulant paisiblement vers un but éternel, nous en ressentons alors la noblesse, le caractère proprement épique. Mais aussi puissant et grandiose que soit l'effet du tragique et de l'épique, aussi efficients que soient ces caractères comme ressorts de l'art, il n'en reste pas moins que la loi morale trouve son centre de gravité le plus sûr dans les actions ordinaires et quotidiennes inlassablement répétées des hommes, car ce sont là les actions durables, les actions fondatrices, en quelque sorte les millions de radicelles de l'arbre de la vie. De même que, dans la nature, les lois universelles agissent silencieusement et sans discontinuer, de même la loi morale agit silencieusement dans les âmes, imprimant sa marque à l'incessant commerce des hommes, et tels hauts faits qui suscitent momentanément l'émerveillement ne sont que de tous petits signes de cette force universelle. Ainsi cette loi morale assure-t-elle la cohésion de l'humanité, tout comme la loi naturelle assure celle du monde ». (L'arrière-saison)
Bibliographie
J.-L., Blandet, Adalbert Stifter: introduction à la lecture de ses nouvelles, Paris, Klincksieck, 1974.
J.-L. Blandet, «Variations sur un cadavre. Remarques sur le sentiments amoureux et l'éducation chez A. Stifter dans Études germaniques, 33, 1978.
Liens
Le site francophone Adalbert Stifter
http://www.moncelon.com/stifter.htm
pour tout commentaire : jm@moncelon.com
Sur Adalbert Stifter : http://www.adalbertstifter.at/ - http://www.stifterhaus.at - http://www.adalbert-stifter-gemeinschaft.de - Anniversaire de la naissance d'Adalbert Stifter (1805 - 2005), http://www.stifter2005.at/alias/stifter_startseite
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