La sclérose en plaques (SP) est une des plus fréquentes maladies neurologiques évolutives. La SP affecte 2,5 millions de personnes dans le monde, 400 000 aux Etats-Unis, 57 000 en France, environ 12 000 en Belgique. Aujourd’hui, en France, le taux de prévalence est évalué de 65 à 125 pour 100 000 habitants avec un gradient progressif du Sud-ouest vers le Nord-est. Le taux annuel d'incidence standardisé prenant en compte les intervalles de confiance est compris, selon les régions, entre 4,1 et 8,2/100 000 habitants. Comme dans d'autres pays européens, une augmentation de l'incidence est constatée chez les femmes. Cette règle souffre de nombreuses exceptions. Au Canada, le nombre de personnes atteintes de SP se situerait entre 55 000 et 75 000, selon les experts (communication médicale du 2 mai 2006).
La sclérose en plaques
La sclérose en plaques est une maladie auto-immune neurologique chronique, qui attaque le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Le processus de la maladie entraîne surtout l’inflammation et l’endommagement de la myéline (de l’isolation des fibres nerveuses) et cellules dans le système nerveux, ce qui signifie un dysfonctionnement de la conduction. Les suites sont entre autres des paralysies et des spasmes, l’ataxie locomotive, des troubles de la vue, des troubles sensitifs, de la fatigue ou de la lassitude jusqu’à des graves dépressions. Les maux psychiques sont d’une part une réaction à la gravité de la maladie (désespoir), d’autre part aussi une conséquence directe de l’inflammation du système nerveux central. Les causes de la sclérose en plaques ne sont toujours pas expliquées malgré des recherches intensives.
L’évolution de la maladie est très différente selon les personnes, les symptômes pouvant être plus ou moins prononcés. On observe généralement une différence entre l’évolution rémittente toutefois plutôt sous forme de poussées et l’évolution progressive chronique de la maladie, des formes intermédiaires existent pourtant. L’évolution à progression chronique est plutôt fréquent. La sclérose en plaques évolue généralement par poussées plus ou moins graves, au cours desquelles se manifestent des symptômes qui peuvent de nouveau disparaître après la poussée respective (rémission). Dans la plupart des cas, une régression complète ou partielle survient dans l’espace d’un ou deux mois une fois la poussée terminée. Certains symptômes peuvent toutefois rester après une poussée de la maladie, qui survient environ tous les ans.
Selon une enquête menée en Belgique en 2008 (Mastering MS) auprès de 1 493 personnes atteintes de SP, le diagnostic SP engendre son lot d’anxiété et d’inquiétude. Huit patients SP sur dix qui ont participé à l’enquête ont été choqués et bouleversés au moment du diagnostic. Ce sentiment persiste chez un patient sur trois. La plus grande angoisse est l’invalidité à un âge tardif (76 %) et la crainte de devenir un fardeau pour les autres (79 %). 58 % sont inquiets pour leur travail et se demandent s’ils pourront toujours assurer le même niveau de prestations qu’auparavant. Chez plus de 90 % des personnes interrogées, la SP a engendré des changements manifestes dans leur vie sociale.
Le traitement
Du fait que le système immunitaire joue un rôle central, la maladie est en premier lieu traitée par des médicaments qui ont une influence sur le système immunitaire. Ce traitement de longue durée comporte en particulier des bêta-interférones, produits en grande quantité par technique génétique. Les symptômes individuels de la sclérose en plaques sont traités par différentes thérapies médicamenteuses et non médicamenteuses. Il s’agit par exemple de la prise d’antidépresseurs ou la psychothérapie en cas de dépression. En outre, des mesures générales, comme une diète alimentaire, des exercices appropriés et du repos adéquat, demeurent importantes. Pendant les poussées inflammatoires de la maladie, le traitement à la cortisone est un standard reconnu. La durée de vie des patients souffrant de la sclérose en plaques est comparable à celle des personnes en bonne santé, mais généralement un peu plus courte, la qualité de vie ressentie subjectivement est toutefois entravée par les symptômes en partie violents.
Les symptômes
Les symptômes de SP peuvent s’avérer très différents d’une personne à l’autre et l’évolution de la maladie est extrêmement imprévisible. Les plaintes les plus fréquentes sont une forte fatigue, des problèmes moteurs, des troubles de la concentration, une vision trouble ou floue, des douleurs musculaires et des troubles de la sensibilité.
La SP se caractérise par la diversité de ses symptômes d’un patient à l’autre. Au premier rang des symptômes, se trouve la fatigue. Sa prévalence est difficile à préciser en raison de l’absence de consensus sur la définition précise de la fatigue et de son caractère éminemment subjectif. La fatigue risque d'être sous-estimée par le neurologue et d'être incomprise par l’entourage familial et social. Les troubles cognitifs sont également présents, avec une importance variable en fonction du type évolutif et semblent donc plus importants dans la période de l'évolution progressive. Les atteintes les plus fréquentes concernent la mémoire, les fonctions exécutives et l’attention. Les troubles urinaires et les troubles de constipation, incontinence anale, souvent associée à une impériosité fécale constituent une contrainte pour les malades dans la vie quotidienne et pour leur entourage proche.
La fréquence des troubles de la sexualité, surtout dans une population jeune, est loin d’être négligeable. Aux troubles organiques s’ajoutent la perturbation de l’image corporelle, consécutive à l’atteinte neurologique générale et son retentissement dans la relation affective de l’individu. La banalisation de troubles sexuels par le patient, le manque de communication au sein du couple contribuent à aggraver la vie sexuelle du patient et à altérer sa qualité de vie.
La douleur est une manifestation fréquente et un facteur d'aggravation du handicap, d’arrêt de travail, d’altération du sommeil et de l’activité physique, et augmente le risque suicidaire.
La qualité de vie
Ces différents troubles ont un impact considérable sur la qualité de vie des patients et sont susceptibles d'induire un syndrome dépressif qui s’exprime le plus souvent par une instabilité, une inquiétude, un découragement ou une agitation.
La qualité de vie recouvre trois grands domaines: physique, psychologique et social. Ces trois domaines sont fortement intriqués, l’intégration sociale est souvent dépendante du handicap physique et du retentissement psychologique de la maladie.
La SP influence la vie à tous les niveaux: la famille, les relations sociales, la vie émotionnelle, la vie professionnelle, les hobbies et l’équilibre financier. Le caractère changeant et imprévisible de la maladie freine bon nombre de patients dans la réalisation d’une existence orientée vers l’avenir. Il s’avère toutefois que, lorsqu’ils reçoivent les outils adéquats, les personnes atteintes de SP parviennent à faire une place à la maladie dans leur vie et à mener une vie émotionnelle et physique épanouissante avec les personnes qui leur sont chères.
La SP n'affecte pas seulement la personne atteinte de cette maladie, mais aussi les membres de la famille et les amis. La culpabilité* est un sentiment courant ressenti par les proches. Parmi eux, un grand nombre regrette leurs sentiments de frustration ou de colère durant la période précédant le diagnostic à l'égard de la personne malade, à l'égard du médecin ou à l'égard d'autres membres de la famille.
La SP constitue une des causes principales d’invalidité neurologique de l’adulte jeune et conduit très souvent à une perte de l’emploi quelques années seulement après le diagnostic, à l’âge moyen de la vie où le travail est souvent considéré non seulement comme nécessaire pour subvenir à ses besoins mais aussi un puissant facteur d’intégration sociale. La maladie semble, de plus, être un frein à l’accès aux promotions ou à la formation professionnelle.
Insertion professionnelle
Le taux d'absentéisme induit par la SP est en moyenne de 30 jours par an et à peine plus élevé que pour des maladies générales. Les patients SP ne présentent pas non plus de risques plus importants d’accident du travail. Les deux facteurs importants qui entraînent des arrêts de travail sont la fatigue et des troubles physiques aux membres. En général, il y a chez eux une volonté ferme de conserver leur emploi. Au début, ils ont peur de perdre leur position et manifestent de l'angoisse tant au niveau relationnel qu'au niveau professionnel. Mais après plusieurs années d'expérience, ils apprécient leur insertion professionnelle comme très positive. Ils se sentent mieux accueillis au travail et à la maison, leur sentiment de sécurité s'est grandement amélioré et leur vitalité s'est considérablement accrue.
Près de la moitié des patients SP conserveraient des aptitudes au travail après avoir cessé leur activité professionnelle, La fatigue et les troubles cognitifs sont souvent évoqués par les patients comme facteurs pour expliquer leur arrêt du travail. Un métier dans le secteur privé, un travail en atelier, à l’extérieur exposé aux intempéries, en position debout avec déplacements fréquents, un travail demandant de la force physique, de la précision manuelle, des cadences rapides et une exigence de rendement, une durée de travail supérieure à 8h augmentent le risque de perte d’emploi. Dans l’aptitude à conserver un emploi, il convient de tenir compte des attributs personnels, du comportement positif face à la maladie, de facteurs environnementaux comme la conjoncture économique et familiale. L'impact des considérations financières est peu connu.
En termes d’autonomie de vie quotidienne et de déplacement, d’aménagement du domicile, du véhicule automobile, la réinsertion sociale des patients SP est nécessairement liée à la sévérité des déficiences et des incapacités. La poursuite d’une activité professionnelle constitue très certainement un des facteurs importants de la qualité de vie. D'où l'importance de fournir aux personnes atteintes de SP de fournir des informations, un accompagnement approprié dans le choix du type et du lieu de travail ainsi qu' un suivi professionnel dès l'acquisition d'un emploi.
Risque suicidaire
Le risque de suicide est multiplié par 7 et demi chez les patients du SP par rapport à la population générale. D'où l'importance de l'accompagnement de ces personnes:
«En outre, des soins interdisciplinaires, flexibles et individualisés sont nécessaires pour aider les personnes atteintes de SP à contrôler la maladie et son impact le mieux possible. Cet accompagnement optimal ne se limite pas aux soins médicaux et concernent aussi par exemple les aspects socioprofessionnel, relationnel et psychologique. A l’heure actuelle, toutes les personnes atteintes de SP ne bénéficient pas encore de cette approche intégrale, qui est adaptée à l’évolution de leur maladie et flexible dans le temps. Faire en sorte qu’elle soit accessible à tous est ce que revendiquent le monde médical et le monde associatif.»( Prof. Dr. B. Dubois, département de Neurologie, Gasthuisberg, UZ Louvain)
Afin de gérer la dépression* et de prévenir les comportements suicidaires chez les personnes atteintes de SP, outre une médication appropriée qui diminue leur fatigue et leur douleur, il importe de les aider à maintenir ou à rétablir une image positive de soi. Un des moyens de se reconnaître eux-mêmes et de se faire reconnaître par autrui comme un membre à part entière de la communauté humaine est de leur offrir des conditions matérielles et psychologiques, favorables au développement de leur autonomie* et de leur liberté*. Tout en assumant les limites de leur corps atteint de certains troubles d'invalidité physique, ces personnes sont capables des activités physiques ou sportives, intellectuelles ou artistiques et d'acquérir ainsi des habilités appropriées à la gestion de leur vie quotidienne, de développer leur curiosité, leur sens de l'observation (regard, écoute, etc.) ou leur libre créativité. En accédant à un degré satisfaisant d'autonomie et de liberté, ils créeront des dispositions favorables à établir des relations et à communiquer avec autrui d'égal à égal.
Sites
Sclérose en plaques: sites et documents francophones: http://www.chu-rouen.fr/homeng.html
Société canadienne de la sclérose en plaques: www.mssociety.ca/fr/
National Multiple Sclerosis Society: http://www.nationalmssociety.org/
Fondation Charcot: http://www.fondation-charcot.org/view/fr/
Ligue nationale belge de la sclérose en plaques: http://www.ms-sep.be/fr
Société suisse de la sclérose en plaques: http://chanvre-medical.bleublog.lematin.ch/
Sources
Mastering MS. Enquête nationale Belgique:
http://fr.be.ms-gateway.com/enquecircte-nationale--mastering-ms-110.htm
Dr Jean-Luc LE GUIET, Philippe GALLIEN, Dr Gérard LE CLAIRE, Pr Régine BRISSOT, Dr Jacques LION. «Des scléroses en plaques:Réinsertion sociale et professionnelle», Association Nationale des Médecins Spécialistes de Rééducation (ANMSR):
http://www.anmsr.asso.fr/anmsr00/52sep/reins.htm
A Booklet About Multiple Sclerosis For Family Members by Sarah L. Minden, MD Debra Frankel, MSc,Toronto,Multiple Sclerosis Society of Canada, 2005:
http://www.mssociety.ca/en/pdf/PlainTalk.pdf