L’association homosexuelle de Florence a mis en place une enquête sur internet à laquelle huit cents homosexuels (hommes et femmes) du monde entier ont répondu. Deux tiers des réponses provenaient de l’Europe*. Cette enquête fait suite à une série de suicides de jeunes homosexuels en Sardaigne, en Sicile (immolation par le feu) et en Lombardie ainsi qu’à la mise à mort publique d’un jeune homosexuel par son père à Foggia dans les Pouilles. Si 65% des homosexuels et 61% des lesbiennes avouent avoir pensé au suicide, 22% des hommes et 21% des femmes ont effectivement un jour tenté de mettre fin à leur jour. 28% des personnes interrogées ont suivi un traitement psychologique ou psychiatrique dont 11% contre leur volonté. Enfin la moitié ont fait état de violences subies en raison de leur sexualité. Ces violences sont d’ordre physique, psychologique ou sexuel. En France, d’après l’étude de Brigitte Lhomond et Marie Josèphe Saurel-Cubizolles, respectivement sociologue au CNRS et épidémiologiste à l’Inserm, parmi les lesbiennes, la fréquence des tentatives de suicide* est plus élevée que chez les autres femmes. Ces femmes ont subi plus souvent des violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie. Plus souvent victimes* de discrimination, elles consomment davantage de drogues et souffrent plus fréquemment de détresse psychologique. Une étude américaine menée auprès d’un groupe de jumeaux adultes des deux sexes (R. Herrell et al., «Sexual Orientation and Suicidality: a Co-twin Control Study in Adult Men», Archives of General Psychiatry, 1999, vol. 56, no 10, p. 867-874) arrive à la conclusion que la probabilité de faire une tentative de suicide* est six fois plus élevée que chez les hétérosexuels. Une étude néo-zélandaise auprès des hommes et des femmes à l’âge de 21 ans obtient les mêmes résultats (D. Fergusson et al., «Is Sexual Orientation Related to Mental Health Problem and Suicidality in Young People?», op. cit., p. 876-880).
Les recherches quantitatives chez les jeunes sont encore très peu nombreuses et rencontrent des problèmes de méthodologie. Leurs résultats ne sont que relativement fiables, selon l’avis même des chercheurs (P. Tremblay et R. Ramsay, «Orientations homosexuelles ou bisexuelles chez les jeunes présentant des problèmes suicidaires: recherche, problématique et propositions», Vis-à-vie, vol. 10, no 2, 2000). D’après une étude menée en Flandre par John Vincke, sociologue à l’université de Gand, une jeune fille lesbienne ou bisexuelle sur quatre a tenté de se suicider au moins une fois, tandis que chez les garçons homosexuels, le rapport est d’un sur huit. Chez les hétérosexuels, le taux des tentatives de suicide est de 5,4% chez les filles et 5,9% chez les garçons. Le taux des idéations suicidaires chez les jeunes lesbiennes monte jusqu’à 45% alors qu’il est de 33,3% chez les garçons homosexuels. Chez les hétérosexuels, les idéations suicidaires affectent 24, 3% de la population des jeunes filles et 16, 1% de celle des garçons. Au Canada, notamment dans la ville de Calgary, les hommes homosexuels et bisexuels ont quatorze fois plus de probabilités de faire une tentative de suicide durant leur jeunesse et représentent plus de 60% des jeunes hommes ayant effectué une tentative de suicide (C. Bagley et P. Tremblay, «Suicidal Behaviors in Homosexual and Bisexuel Males», Crisis, vol. 18, no 1, p. 24-34). Au Québec, selon Michel Dorais, de l’université Laval, les adolescents homosexuels, garçons et filles, se suicident de six à dix fois plus que les jeunes hétérosexuels. La première des deux ou trois tentatives est effectuée à l’âge de dix-sept ans en moyenne et, dans les deux tiers des cas, par empoisonnement. Les jeunes, de 15 à 24 ans, proviennent du milieu urbain et la majorité d’entre eux consomment alcool et drogue. La relation avec le père est particulièrement problématique (colloque de l’Observatoire socio-épidémiologique du sida et des sexualités des Facultés Saint-Louis de Bruxelles, le 17 juillet 2001).
Du point de vue qualitatif, M. Dorais a analysé un échantillonnage de récits de vie de jeunes hommes entre 18 et 35 ans, provenant des régions urbaines de Montréal et de Québec, dont sept se sont définis hétérosexuels et vingt-et-un homosexuels. Les difficultés rencontrées par les jeunes hommes homosexuels sont très liées aux représentations sociales de l’homosexualité qui sapent leur estime de soi et leurs relations au sein de la famille* et à l’école. L’homophobie est très présente dans les sociétés nord-américaines et elle se reflète jusque dans les communautés de recherche en sciences sociales, en médecine et même en suicidologie* (Mort ou fif. La face cachée du suicide chez les garçons, Montréal, VLB, 2001 et «Mort ou fif, différence assassinée», Vis-à-vie, vol. 10, no 2, 2000).
Notes bibliographiques
I. Kallert er P. Courtet, «Orientation sexuelle et identité du genre» dans P. Courtet, dir., Suicides et Tentatives de suicide, Flammarion, 2010, p. 173-176.
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