Son discrédit somme toute récent «ne doit pas masquer que Plutarque* fut un des auteurs anciens les plus lus, les plus médités, les plus impliqués dans les enjeux du présent jusqu'à la Révolution française. Il fut donc aussi l'un des plus traduits» (op. cit., p. 48-49). Érasme* transpose une dizaine de ses traités.
Voltaire* tranche en ce sens dans Le siècle de Louis XIV: «Les Vies de Plutarque sont un recueil d'anecdotes plus agréables que certaines. Il y a dans les maximes qu'il met dans la bouche de ses héros plus d'utilité morale que de vérité historique.». Plutarque ne pouvait plus mal entrer dans le XIX° siècle.
Cependant, où il soit, quel sujet dont il s'empare, Plutarque ne cesse de se préoccuper des liens qu'entretient le présent avec le passé. [...] Plutarque se compare à un peintre qui fixe dans les traits d'un visage les éléments les plus profonds d'un caractère. Il entend privilégier la valeur instructive de ceux qui, selon lui, font l'histoire, et pour cela il s'intéressera à leur formation, à «l'action et à la politique», mais délaissera «les combats qui font des milliers de morts, les batailles rangées ou les sièges les plus importants», réservant «à d'autres l'aspect grandiose des conflits» (Alexandre, I, 2-3). En termes d'historiographie* contemporaine, Plutarque refuse l'histoire-bataille, au profit d'une recherche située au carrefour de l'histoire de la civilisation, de l'histoire politique et de l'histoire culturelle des élites. [...] Dans la vision unificatrice de Plutarque, en effet, la civilisation gréco-romaine est marquée par la présence et la protection permanente des dieux et des héros, à travers des pratiques cultuelles nombreuses et soigneusement codifiées; elle doit aussi son unité à l'importance des institutions familiales*; elle se reconnaît enfin dans les gestes du quotidien: manières de table, soins accordés aux disparus et à leur mémoire, attention prêté au calendrier et à l'organisation du temps, règles de la vie politique. Ces données, répertoriées et classées, participeraient aussi d'une histoire culturelle des élites.
[...]
Si bien pour lire au mieux Plutarque, il faudrait sûrement renoncer au clivage entre dominant et dominé. «Si vous voulez comprendre ce qu'était la Grèce sous la domination romaine, lisez Polybe et tout ce que vous pensez pouvoir attribuer à Posidonios; si vous voulez comprendre Rome dominant la Grèce, lisez Plaute, Caton* et Mommsen» suggère Arnaldo Momigliano (1979: 62). À quoi nous pourrions ajouter: si vous voulez comprendre comment Rome et la Grèce s'efforcent de construire une unité de civilisation, lisez Plutarque.
(les soulignés sont de nous)
Cependant, où il soit, quel sujet dont il s'empare, Plutarque ne cesse de se préoccuper des liens qu'entretient le présent avec le passé. [...] Plutarque se compare à un peintre qui fixe dans les traits d'un visage les éléments les plus profonds d'un caractère. Il entend privilégier la valeur instructive de ceux qui, selon lui, font l'histoire, et pour cela il s'intéressera à leur formation, à «l'action et à la politique», mais délaissera «les combats qui font des milliers de morts, les batailles rangées ou les sièges les plus importants», réservant «à d'autres l'aspect grandiose des conflits» (Alexandre, I, 2-3). En termes d'historiographie* contemporaine, Plutarque refuse l'histoire-bataille, au profit d'une recherche située au carrefour de l'histoire de la civilisation, de l'histoire politique et de l'histoire culturelle des élites. [...] Dans la vision unificatrice de Plutarque, en effet, la civilisation gréco-romaine est marquée par la présence et la protection permanente des dieux et des héros, à travers des pratiques cultuelles nombreuses et soigneusement codifiées; elle doit aussi son unité à l'importance des institutions familiales*; elle se reconnaît enfin dans les gestes du quotidien: manières de table, soins accordés aux disparus et à leur mémoire, attention prêté au calendrier et à l'organisation du temps, règles de la vie politique. Ces données, répertoriées et classées, participeraient aussi d'une histoire culturelle des élites.
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Si bien pour lire au mieux Plutarque, il faudrait sûrement renoncer au clivage entre dominant et dominé. «Si vous voulez comprendre ce qu'était la Grèce sous la domination romaine, lisez Polybe et tout ce que vous pensez pouvoir attribuer à Posidonios; si vous voulez comprendre Rome dominant la Grèce, lisez Plaute, Caton* et Mommsen» suggère Arnaldo Momigliano (1979: 62). À quoi nous pourrions ajouter: si vous voulez comprendre comment Rome et la Grèce s'efforcent de construire une unité de civilisation, lisez Plutarque.
(les soulignés sont de nous)