Goethe* estima que le recueil Le cor enchanté de l'enfant *« devrait figurer dans toutes les maisons où habitent des hommes aux coeurs frais ». Des compositeurs allemands dont Johannes Brahms (1833-1897), Robert Schumann* (1810-1856) et Gustav Mahler (1860-1911) ont mis en musique plusieurs de ces Lieder. Dans le chant « La vie ici-bas » l'enfant exprime, d'un ton spontané et naïf, la vie toute simple du peuple, pleine de promesses déçues et sans cesse menacée de mort : « Mère, ah mère, j'ai grand-faim, Donne-moi du pain ou je meurs ». Ce cri spontané de l'enfant retentit aujourd'hui encore plus fort à travers le monde. La Food and agriculture organization (FAO) ou « Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture », une organisation des Nations unies, « estime à 1,02 milliard le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde en 2009. Cela représente 100 millions de plus qu'en 2008 et plus d'affamés que jamais depuis 1970. Environ un sixième de la population mondiale souffrent de faim et sont sous-alimentées » (Jean Feyder, La faim tue, L'Harmattan, 2010, p. 27) L'Afrique est parmi les pays les plus touchés par la famine.
Ces derniers temps, une nouvelle question a, de plus en plus souvent, fait son apparition dans les medias*, celle de l'acquisition ou de la location de vastes terres agricoles, communément appelées « l'accaparement de terres ». Il s'agit de l'achat ou de la location, dans des pays les plus souvent pauvres, de larges surfaces de terres agricoles par des pays plus riches, affectés par l'insécurité alimentaire, et par des investisseurs privés, à des fins de production agricole pour l'exportation. [...]
De quelles opérations s'agit-il?
Les États qui sont demandeurs pour de tels contrats sont avant tout les États du Golf (le Kuwaït, l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis), la Corée du Sud, la Chine, le Japon et la Libye. Très souvent les opérateurs sont des firmes privées agissant dans le domaine agroalimentaire ou des investisseurs financiers : fonds spéculatifs, fonds de pension, fonds d'investissement, banques d'investissement, holdings, etc.
Les principaux ciblés sont situés en Afrique subsaharienne comme le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Tanzanie, L'Éthiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Somalie, le Soudan et la Zambie. Des pays comme l'Ukraine, le Kazakhstan, le Pakistan, les Philippines, le Cambodge, le Brésil, l'Indonésie et la Russie sont également concernés.
[...]
L'Indien Karuturi, le plus grand producteur de roses au monde, a, en concurrence avec Cargill, loué 40 000 hectares en Ethiopie pour 1,50 euro par hectare et par an. Les travailleurs gagnent un salaire de misère : 0,7 dollar par jour. Les paysans locaux sont privés de tout accès à leur terre. Leurs oppositions sont étouffées par la police. Au même moment l'Ethiopie, frappée par la sécheresse, lance un appel à l'aide alimentaire. Le gouvernement, qui avait déjà cédé 600 000 hectares, s'apprête à en mettre 3 millions supplémentaires sur le marché, soit plus d'un quart de la surface cultivable totale du pays.
Cette nouvelle approche est soutenue par la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale et le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), institution spécialisée du système des Nations Unies. La FAO elle-même semble s'y rallier. Depuis l'éclatement de la crise alimentaire, la SFI se propose d'engager le secteur privé à investir dans l'agriculture et à accroître la production agricole. La Société veut augmenter ses prêts de 30% au secteur de l'agroalimentaire privé au cours des trois prochaines années. Elle coopère avec le Service consultatif pour les investissements étrangers (FIAS). À cette fin, elle a mis en place des agences de promotion de ces investissements afin de créer un « climat favorable aux affaires ».
Source
Jean Feyder, La faim tue, Préface de Jean-Claude Juncker, Paris, l'Harmattan, 2010, p. 269-272.
Depuis 2005, Jean Feyder est le Représentant Permanent du Luxembourg auprès des Organisations Internationales à Genève. De 2006 à 2011, il a présidé, auprès de OMC, le Comité pour les pays les moins avancés. Entre 2009 et 2010, il a été élu Président du Conseil pour le Commerce et le Développement de la CNUCED. De 1998 è 2005, il a été Directeur de la Coopération au Développement du Luxembourg.
De quelles opérations s'agit-il?
Les États qui sont demandeurs pour de tels contrats sont avant tout les États du Golf (le Kuwaït, l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis), la Corée du Sud, la Chine, le Japon et la Libye. Très souvent les opérateurs sont des firmes privées agissant dans le domaine agroalimentaire ou des investisseurs financiers : fonds spéculatifs, fonds de pension, fonds d'investissement, banques d'investissement, holdings, etc.
Les principaux ciblés sont situés en Afrique subsaharienne comme le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Tanzanie, L'Éthiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Somalie, le Soudan et la Zambie. Des pays comme l'Ukraine, le Kazakhstan, le Pakistan, les Philippines, le Cambodge, le Brésil, l'Indonésie et la Russie sont également concernés.
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L'Indien Karuturi, le plus grand producteur de roses au monde, a, en concurrence avec Cargill, loué 40 000 hectares en Ethiopie pour 1,50 euro par hectare et par an. Les travailleurs gagnent un salaire de misère : 0,7 dollar par jour. Les paysans locaux sont privés de tout accès à leur terre. Leurs oppositions sont étouffées par la police. Au même moment l'Ethiopie, frappée par la sécheresse, lance un appel à l'aide alimentaire. Le gouvernement, qui avait déjà cédé 600 000 hectares, s'apprête à en mettre 3 millions supplémentaires sur le marché, soit plus d'un quart de la surface cultivable totale du pays.
Cette nouvelle approche est soutenue par la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale et le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), institution spécialisée du système des Nations Unies. La FAO elle-même semble s'y rallier. Depuis l'éclatement de la crise alimentaire, la SFI se propose d'engager le secteur privé à investir dans l'agriculture et à accroître la production agricole. La Société veut augmenter ses prêts de 30% au secteur de l'agroalimentaire privé au cours des trois prochaines années. Elle coopère avec le Service consultatif pour les investissements étrangers (FIAS). À cette fin, elle a mis en place des agences de promotion de ces investissements afin de créer un « climat favorable aux affaires ».
Source
Jean Feyder, La faim tue, Préface de Jean-Claude Juncker, Paris, l'Harmattan, 2010, p. 269-272.
Depuis 2005, Jean Feyder est le Représentant Permanent du Luxembourg auprès des Organisations Internationales à Genève. De 2006 à 2011, il a présidé, auprès de OMC, le Comité pour les pays les moins avancés. Entre 2009 et 2010, il a été élu Président du Conseil pour le Commerce et le Développement de la CNUCED. De 1998 è 2005, il a été Directeur de la Coopération au Développement du Luxembourg.