L'Encyclopédie sur la mort


Québec (suicides)

 

Province du Canada*. En 2008, selon les données provisoires, 1 103 décès par suicide ont été enregistrés au Québec, parmi lesquels 842 hommes et 260 femmes. Ce nombre équivaut à un taux ajusté de 14,2 décès par 100 000 personnes.En 2005, le Québec occupait une position défavorable au sein des pays sélectionnés au chapitre de la mortalité par suicide (14,6 par 100 000). Le Japon et la Finlande présentent les taux les plus élevés. Au Canada, la mortalité par suicide occupe une position médiane(10,4 par 100 00). Toutefois, c'est dans les pays méditerranéens et au Royaume-Uni que les taux sont les plus faibles.

Évolution des données
Le taux du suicide a grimpé considérablement au cours du dernier quart du vingtième siècle. De 1976 à 1978, il était de 14,8 sur 100 000 habitants, de 1982 à 1984 , il était de 17,8 et, de 1997 à 1999, il a augmenté à 20,2 pour descendre à 18,0 de 2000 à 2002. On constate un écart très important entre la mortalité par suicide des hommes par rapport à celle des femmes. En effet, de 1976 à 1978, le taux de suicide était de 25,7 pour les hommes et de 7,9 pour les femmes. Il reste ensuite relativement stable avec une légère tendance à la baisse chez les femmes de 1982 (8,9) à 2002 (7,5). Chez les hommes, par contre, le taux de 27,3 de 1982 à 1984 monte jusqu’à 32,4 en 1999 pour descendre à 29 entre 2000-2002. Les groupes d’âge les plus affectés sont les personnes de 35 à 39 ans (26,5) et celles de 40 à 49 ans (28,5), si l’on se réfère aux données de 2000-2002 où le taux des 20 -29 ans et des 50 -64 se situait à 21,5, et celui des 65 ans et plus à 13,0. Dans les années 1998 à 2002, par rapport à l’ensemble des décès au Québec, les régions les plus touchées sont le Nunavik (21,4%), le Nord-du-Québec (7,5%) la Côte-Nord (4,3%), l’Abitibi-Témiscamingue (3,8%), et la Chaudière-Appalaches (3,7%). Les régions les moins touchées sont Montréal (1,7%), Laval (2,1%), la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine (2,3%) et la Montérégie (2,4%). En 2002, parmi les moyens* utilisés, les suicides par pendaison, strangulation et asphyxie enregistrent le taux le plus élevé (54,2%), suivis loin derrière par les armes à feu et les explosifs (14,2%), l’ingestion de substances solides et liquides (10,0%), l’inhalation de gaz ou à la vapeur (7,3%) et autres moyens (14,3%).

Au Québec, la surmortalité par suicide chez les hommes est un fait connu, sans compter qu'elle est plus importante au Québec que dans les autres provinces canadiennes. Selon St-Laurent et Bouchard (2004 : 11), depuis la fin des années 70, les taux de suicide au Québec sont supérieurs à ceux observés ailleurs au Canada, et cette différence s'est accrue de façon importante au fil des années. Par exemple, pour la période de 1999-2001, le taux de mortalité par suicide chez les hommes au Québec a été de 30,7 par 100 000 personnes comparativement à 16,1 dans le reste du Canada. Sur le plan international, pour la période de 1996-1998, le Québec a enregistré le troisième plus haut taux de mortalité par suicide chez les hommes après la Finlande et l'Autriche (St-Laurent et Bouchard, 2004 : 13).

Cependant, les données récentes indiquent une baisse appréciable du nombre de suicides depuis le sommet enregistré de 1625 suicides en 1999. Ainsi, selon le bilan démographique du Québec, ce nombre a descendu à 1325 en 2000, à 1259 en 2003 (980 hommes et 279 femmes), s'est maintenu à 1268 en 2005 et a descendu à 1191 en 2006 (917 hommes et 274 femmes). Selon Gagné et St-Laurent, après le sommet 1999, le taux de suicide a diminué en moyenne de 4,1% par année, et cette baisse de la mortalité par suicide est observée depuis le début des années 2000. Pour l'année 2007, le taux de mortalité par suicide chez les hommes au Québec est descendu à 22,3 par 100 000 habitants alors que chez les femmes il se situait à 5,8 % par 100 000. À titre comparatif, rappellent Gagné et St-Laurent (2009 : 2), «ces taux se situaient à 31 décès par 100 000 chez les hommes et à 8 décès par 100 000 chez les femmes à la fin des années 1990.»
http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/demograp/bilan_demo_pdf.htm

Pour citer un exemple des régions, le suicide a tendance à la baisse dans les Bois-Francs ces dernières années
Après avoir atteint un sommet en 2002 avec 31, le nombre de suicides dans les Bois-Francs et l’Érable a enregistré une baisse au cours des quatre années suivantes pour se situer à 11 en 2006.

Si les Bois-Francs ont connu une diminution du nombre de suicides en 2008, selon les données fournies par le Bureau du Coroner, il en est de même au Québec. Le nombre de suicides est passé de 1 237 en 2005 à 1 091 en 2007, révèlent les chiffres de l’Institut national de santé publique.

Quelques interprétations du phénomène du suicide au Québec

Le plus faible taux de suicide à Montréal et en dans certaines villes de la province - parfois contesté par des données démographiques - seraitt attribuable à plusieurs facteurs comme le vieillissement de la population: les aînés se suicident moins; la présence de communautés culturelles où le réseau social est plus serré; la diversité des ressources en termes de santé et de services sociaux, de culture, de sports et de loisirs.

Parfois on explique le taux élevé de suicide au Québec par le recul de la pratique religieuse et par la crise des valeurs ou l’anomie. L’hypothèse d’un lien entre la faiblesse du sentiment religieux et moral, d’une part, et le suicide, d’autre part, est souvent invoquée sans démonstration satisfaisante. Il n’y a pas non plus de preuves d’un rapport entre le climat politique et le taux de suicide. Brian Mishara, chercheur à l’université du Québec à Montréal, a analysé l’évolution du taux de suicide au Québec durant les mois qui ont précédé le référendum sur la souveraineté en 1995. Il n’a trouvé aucune indication de l’existence d’un lien entre les deux. La thèse de Ian Dowbiggin (Suspicious Minds: The Triumph of Paranoia in Everyday Live, Toronto, Macfarlane Walter and Ross, 1999), selon laquelle la paranoïa collective des souverainistes québécois, des écologistes et des défenseurs du multiculturalisme aurait contribué à l’augmentation des problèmes sociaux et du nombre de suicides, est trop peu étayée pour être convaincante.

Stratégies
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a élaboré une stratégie d’action face au suicide et a publié un document qui présente des données épidémiologiques, des facteurs associés au suicide et différents constats sur les services offerts. Ce document propose des objectifs et des actions aux intervenants engagés auprès des personnes suicidaires et de leurs proches. Il partage les responsabilités tant sur le plan national, régional que local. Le ministère est d’avis que la mise en œuvre de la stratégie québécoise d’action face au suicide permettra de stabiliser et, éventuellement, de diminuer le taux de suicide au Québec. Les activités du centre de recherche Fernand-Seguin (CRFS) de l’hôpital Louis-Hyppolite Lafontaine à Montréal portent sur des problèmes de santé publique de première importance: l’étiologie, la prévention et le traitement de problèmes sévères de santé mentale* comme la schizophrénie, l’autisme, le suicide, les troubles d’anxiété, les toxicomanies* et les troubles du comportement.

Recherches
Le phénomène du suicide au Québec est étudié par des chercheurs de différentes disciplines et expertises, regroupés en cinq axes prioritaires de recherche: neurobiologie fondamentale, neurobiologie humaine, interventions psychologiques, psychiatrie sociale et psychiatrie légale. Le groupe McGill de recherche multidisciplinaire sur le suicide (GMES) au centre de recherche de l’hôpital Douglas à Montréal étudie les facteurs de risque suicidaire. Il se concentre particulièrement sur l’étude des cas de personnes décédées par suicide. Son principal objectif est de mieux comprendre le suicide de divers points de vue, en tenant compte non seulement des dimensions psychosociales et cliniques mais également des facteurs liés aux prédispositions de chaque individu. À l’université Concordia, la recherche en anthropologie et en sociologie du suicide privilégie trois perspectives dont la première consiste à approfondir la morphologie courante du suicide dans le monde occidental après la seconde guerre mondiale. La deuxième est d’associer ce phénomène avec d’autres aspects de l’évolution de la société, notamment la crise de la famille*. La troisième cherche à repenser l’œuvre de Durkheim, plus particulièrement la notion d’anomie, et à percevoir la tendance suicidaire courante comme une amplification du modèle de la modernité industrielle (Daniel Dagenais). Le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE)* à l’université du Québec à Montréal contribue à la prévention du suicide et à la réduction de ses impacts négatifs en encourageant l’avancement et l’utilisation de connaissances interdisciplinaires sur le suicide et sa prévention ainsi que sur l’euthanasie.

Associations
L’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), autrefois l’Association québécoise de suicidologie, est un centre de formation, d’information et d’étude sur le phénomène du suicide destiné aux intervenants. L’Association canadienne pour la santé mentale organise des activités de sensibilisation, d’éducation populaire et de prévention en santé mentale. Elle vient aussi en aide aux personnes dont l’équilibre émotionnel et la santé mentale sont perturbés ainsi qu’à leurs proches.

Sources
Ministère de la sécurité publique au Québec, «Le phénomène du suicide au Québec» dans «La problématique du suicide en milieu carcéral et portrait de la situation dans les établissements de détention du Québec du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006)» Date de publication : 2009.

St-Laurent, D. et C. Bouchard (2004), L'épidémiologie du suicide au Québec : que savons-nous de la situation récente? Québec : Institut national de santé publique du Québec. Unité Connaissance-surveillance et Infocentre correctionnel (voir également la note de bas de page numéro 6).

Gagné, M. et D. St-Laurent (2009), «Surveillance de la mortalité par suicide au Québec : tendances et données récentes - 1981 à 2007», Québec : Institut national de santé publique du Québec (février 2009).

Gagné, M. et D. St-Laurent (2010), «La mortalité par suicide au Québec: tendances et données récentes - 1981 à 2009», http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs1958897

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

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