Le mythe du phénix, l'oiseau qui renaît toujours de ses cendres, trouverait son origine à Héliopolis, ville de l'Égypte ancienne* où il portait le nom de Bennou, le héron de Râ (Rè), le dieu du Soleil, Râ, dont il serait une incarnation. Les récits mythiques diffèrent sur quelques points de détail, mais relatent à peu près la même histoire. Le phénix, doté d'une longévité miraculeuse, quand l'heure de sa fin approchait, se construisait un nid d'herbes aromatiques, puis s'exposait aux rayons du soleil et se laissait réduire en cendres. Trois jours plus tard, il renaissait. Alors qu'il ne représentait, au début, que l'apparition et la disparition cycliques du soleil, le phénix devint rapidement un symbole de résurrection. Il incarne l'âme ou l'immortalité* dans les différentes iconographies. L'Oiseau, symbole de la résurrection du chaos est très fréquent en Chine et au Japon. et constitue un parallèle intéressant avec le phénix mythique des Égyptiens et plus tard avec celui des Grecs et des Romains. D'une façon générale, l'oiseau est le symbole de l'âme, de la renaissance, mais aussi de l'esprit et de la lumière. Dans la tradition chinoise, l'oiseau légendaire Feng-Huang, qui symbolise le bonheur conjugal, est l'équivalent du phénix. Il est issu de l'union des forces solaire et lunaire.
http://www.outre-vie.com/mythologie/symboles.htm
OVIDE, Métamorphoses, Livre XV
Il existe un seul oiseau, qui se régénère et se reproduit lui-même.
Les Assyriens l'appellent le phénix ; il ne vit ni de fruits
ni d'herbes, mais de larmes d'encens et du suc de l'amome.
Lorsque cet oiseau a accompli cinq siècles de sa vie,
sur les branches d'une yeuse ou en haut d'un palmier tremblant,
de ses ongles et de son bec sans souillure, il se construit un nid.
Dès qu'il l'a garni de feuilles de lauriers, de brins de nard doux
et de morceaux de cinnamome mêlés à de la myrrhe fauve,
il s'y installe et achève sa vie parmi les parfums.
On raconte que renaît ensuite du corps de son père
un petit phénix, destiné à vivre autant d'années que lui.
Lorsque l'âge lui a donné la force de porter ce fardeau,
il soulage du poids de son nid les branches de l'arbre élevé,
et emporte pieusement son berceau, sépulcre de son père.
Puis, quand à travers l'air léger il a atteint la ville d'Hypérion,
il le dépose devant les portes sacrées du temple d'Hypérion
HÉRODOTE, Histoires, Livre II
«LXXIII. On range aussi dans la même classe un autre oiseau qu'on appelle phénix. Je ne l'ai vu qu'en peinture ; on le voit rarement ; et, si l'on en croit les Héliopolitains, il ne se montre dans leur pays que tous les cinq cents ans, lorsque son père vient à mourir. S'il ressemble à son portrait, ses ailes sont en partie dorées et en partie rouges, et il est entièrement conforme à l'aigle quant à la figure et à la description détaillée. On en rapporte une particularité qui me paraît incroyable. Il part, disent les Egyptiens, de l'Arabie, se rend au temple du Soleil avec le corps de son père, qu'il porte enveloppé dans de la myrrhe, et lui donne la sépulture dans ce temple. Voici de quelle manière : il fait avec de la myrrhe une masse en forme d'oeuf, du poids qu'il se croit capable de porter, la soulève, et essaye si elle n'est pas trop pesante ; ensuite, lorsqu'il a fini ces essais, il creuse cet oeuf, y introduit son père, puis il bouche l'ouverture avec de la myrrhe : cet oeuf est alors de même poids que lorsque la masse était entière. Lorsqu'il l'a, dis-je, renfermé, il le porte en Egypte dans le temple du Soleil.»
Le mythe du phénix est conté par Lucien de Samosate, né en Syrie vers 125 et décédé vers 192. Sa langue maternelle n'était pas le grec, mais «il l'apprit si bien qu'il suivit des cours de rhétorique grecque et devint un écrivain grec célèbre qui charmera Érasme* par son «atticisme», c'est-à-dire l'élégance et la concision de sa langue.»(J. de Romilly etM. Trédé, Petites leçons sur le grec ancien, Paris, Stock, 2008, p. 31). Lucien écrit donc dans son De Morte Peregrini:
27. On m'a dit encore qu'il ne veut plus qu'on l'appelle Protée, mais qu'il a changé son nom en celui du phénix, oiseau des Indes, qui se brûle quand il arrive à une extrême vieillesse. Il répand en même temps, parmi les peuples, d'anciens oracles qui veulent qu'on le regarde, après sa mort, comme le génie tutélaire de la nuit. Il est clair qu'il demande des autels et qu'on lui élèvera une statue d'or.
Même si Aristote* ne semble pas avoir connu le mythe du phénix, Porphyre (234-305) dans son Commentaire aux catégories d'Aristote, évoque le mythe du phénix dans sa définition de la différence des genres et des espèces. Le phénix est un oiseau unique:
«Le phénix, en effet, l'espèce d'oiseau qu'on connaît, n'est pas, dit-on, une espèce qui comprend plusieurs individus dénombrables, du moins dans l'hypothèse où il n'y a qu'un phénix toujours renaissant; et s'il se dit plusieurs individus, on n'entend pas plusieurs en nombre, mais en raison de la succession.» (Édition critique, traduction française, introduction et notes par Richard Bodéüs, Paris, Vrin, 2008, p. 207-208)
CHRISTIANISME
Le christianisme a fait une relecture du récit mythique du phénix:
«Très tôt, le phénix a été reçu dans le christianisme comme une figure éminente de la résurrection, celle de Jésus, mais aussi la résurrection personnelle de chaque homme. Dès la fin du premier siècle, Clément de Rome évoque le mythe en ce sens dans sa première Épître aux Corinthiens; il en ignore encore le mode de reproduction par le feu, mais il connaît l'unicité de l'oiseau, le ver du phénix, ses liens avec l'Arabie et la ville égyptienne d'Héliopolis, et le cycle des cinq cents ans. Chez Tertullien, le mythe est tout entier centré sur le paradoxe de son adynaton pour exprimer la «merveille» de la résurrection : «Je veux parler de cet oiseau extraordinaire de l'orient, fameux par son unicité, merveilleux par sa postérité, qui, procédant spontanément à ses funérailles, se renouvelle lui-même, dans une fin qui est une naissance décédant et se succédant, de nouveau phénix là où il n'y avait plus personne, de nouveau lui-même, lui qui n'était plus, un autre, le même. Qu'y a-t-il de plus expressif et de plus éclatant en cette matière ou pour quelle autre réalité une telle preuve ? Dieu, en effet, a dit dans ses écritures : Car tu fleuriras comme un phénix, c'est-à-dire de la mort, du cadavre, pour que tu croies que du feu aussi peut surgir la substance du corps».
On « situe le retour du phénix en Égypte peu de temps après la vie de Jésus et les événements qui ont marqué les débuts de l'Église, induisant ainsi une coïncidence troublante entre la renaissance du phénix et le temps de la résurrection du Christ qui inaugure une nouvelle ère dans l'histoire du salut. Dès cet instant, l'oiseau fabuleux se prête à une réception chrétienne qui en renouvelle complètement l'interprétation et, fait plus inattendu, qui enrichit aussi massivement la documentation relative à la tradition mythique désormais intégrée à l'argumentaire apologétique chrétien.» (Paul-Augustin Deproost, «Les métamorphoses du phénix dans le christianisme ancien», Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 8 - juillet-décembre-juin 2004)
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/08/Phenix1.htm
Bibliographie
R. Van den Broek, The Myth of the Phoenix according to Classical and Early Christian Tradition, Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain, vol. 24, Leyde, 1972.
APOLLINAIRE
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s'engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Alcools, «Zone»
COCTEAU
«La gloire du poète dérive de sa capacité et de sa disponibilité à la souffrance, dans un rapport intime avec la douleur et la mort. Le vrai poète est celui qui meurt et renaît sans cesse de ses cendres, tel cet oiseau mythologique qu'est le phénix. En s'appropriant un terme sans soute forgé par Salvador Dali, Cocteau utilise souvent l'expression «phénixologie», qui indique «la science qui permet de mourir un grand nombre de fois pour renaître» (Le Testament d'Orphée), science dans laquelle le poète est hautement versé. Comme on l'avait vu dans le film de 1930, le poète acquiert l'immortalité* grâce à se smorts successives, qui le maintiennent en contact avec l'au-delà d'où proviennent les poèmes. Parmi les vers obscurs et très denses du recueil intitulé justement Cérémonial espagnol du Phénix (1961), que l'on retienne cette strophe, qui contient sans doute une métaphore de l'activité poétique:
Je t'oubliais Phénix immobile cortège
D'un qui chaque fois sort de multiples tombeaux
Et veut croire en sculptant ses bonhommes de neige
Que le soleil des morts fait fondre les moins beaux
Toujours à propose du phénix, Cocteau y fait allusion dans une page du Passé défini: Chaque minute, je dois me tenir à l'extrémité de moi-même et me brûler pour renaître». On peut retrouver, en exergue du Cordon ombélical (1962), une autre occurrence de cette figure mythologique:
Bientôt j'irai rejoindre ma profonde réserve
Chaque jour augmente son pouvoir incorruptible
Et c'est par elle que je ressusciterai d'entre les morts
Sur nous autres le Temps n'a pas de prise
Qui ne soignons que l'invisible beauté de l'âme
Car cette braise entretient le feu de l'oiseau Phénix
(Enrico Castronovo, Jean Cocteau, le seuil et l'intervalle: hantise de la mort et assimilation, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 97-98)
© Éric Volant
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