L'Encyclopédie sur la mort


Suicide homicide intra-familial

Mathieu Lacambre

Nous sommes aujourd’hui témoins de drames familiaux aussi tristes qu’absurdes. Ainsi, nous demeurons stupéfaits devant le geste d’un père de famille qui tue sa femme et ses enfants avant de se tirer une balle dans la tête ou d’une mère de famille qui égorge sa fille handicapée avant de se pendre. Des parents qui suppriment aussi cruellement des êtres chers ne sont pas des criminels, mais des personnes extrêmement troublées qui donnent un caractère absolu à leur mal de vivre. Par des gestes meurtriers que des experts appellent «suicides élargis», ils cherchent désespérément à soulager leur conjoint, leur enfant, d’une souffrance qui, en fait, ronge leur propre vie. Ils transfèrent sur leurs victimes leur propre inaptitude à vivre dans la société et ils les entraînent avec eux dans la mort afin de les protéger contre un mal, soit imaginaire soit fondé hélas dans la réalité. Leurs appréhensions ne sont pas nécessairement irrationnelles ou paranoïaques. En effet, certaines existences sont parfois exposées à des grandes misères qui résultent de situations sociales à peine imaginables et intolérables. La collectivité entière porte sa part de responsabilité par le fait qu’elle n’a pas mis sur pied des services adaptés à des familles pauvres ou à des parents d’enfants autistiques ou souffrant d’autres handicaps graves.
En ce qui concerne le suicide intra-familial: «Il s'agit dans ce cas de suicide étendu ou élargi: l'auteur souhaite abréger ou éviter des souffrances à la victime* ou l'amener avec lui dans la mort.» (M. Lacambre, «Suicides homicides et pactes suicidaires» dans P. Courtet, dir. Suicides et tentatives de suicide, p. 207)

M. Lacambre apporte des distinctions éclairantes.

Il appelle libericide «meurtre d'un enfant mineur par son (ses) parent (s).» Il note que «le meurtre isolé avant suicide, du ou des enfants dans la première enfance est plutôt le fait de mères, alors que cette tendance s'inverse du côté des pères alors que le ou les enfants avancent en âge.» (p. 207)

L'uxorisme est «le meurtre du conjoint par l'autre personne du couple»

Le parricide et le matricide : le meurtre du (des) parent (s) précédant le suicide du meurtrier.

La suppression de toute la famille (animal de famille y compris), suivie de la destruction du domicile familial par le feu, le suicidant s'autodétruisant ainsi dans le même événement.
(p. 208)

Cas particuliers d'homicides suicides intra-familiaux

Par discrétion pour les survivants des victimes et par précaution afin de ne pas trop médiatiser ces homicides suicides intra-familiaux, nous ne mentionnerons pas les noms des personnes impliquées et nous ne divulguerons pas trop de détails.

- le 24 juillet 2010: Drame familial à Montréal, Québec, Canada

Un homme de 72 ans et ses fils âgés de un an et de sept ans ont été retrouvés morts dans leur appartement de Ville-Émard, à Montréal, dans la nuit de vendredi à samedi. D'après les premiers éléments de l'enquête, il s'agit d'un double meurtre suivi d'un suicide.

D'après la police, les enfants comme le père sont morts par strangulation. La mère chantait dans un bar à quelques pas de chez elle. C'est là qu'elle a passé quelques heures, vendredi soir, avant de rentrer chez elle et de trouver ses enfants morts. Décrite comme une femme forte en verbe, volontiers «paniqueuse», note une voisine chez qui l'aîné des enfants victimes avait passé un moment dans l'après-midi précédant le drame. «Mais c'était une vraie mère poule, qui avait toujours peur pour ses enfants», ajoute-t-elle.

Le père, un livreur de pizza à la retraite, était un homme calme, peu bavard, qui ne buvait pas. Lui aussi était proche de ses deux enfants. « Il leur donnait le bain, c'est toujours lui qui venait les chercher. Mais j'ai eu des messages, il me disait qu'il trouvait ça dur», poursuit la voisine.

Le couple, qui sortait assez peu, était installé depuis plusieurs années dans un HLM. D'après certains voisins, la police est déjà intervenue à plusieurs reprises pour des disputes. Le couple s'était même séparé pour des violences conjugales avant de se retrouver et d'avoir un deuxième enfant. La police ne confirme pas ces propos.

«C'était un couple dysfonctionnel, un couple bizarre, dit une voisine, qui a connu la mère des victimes. Elle avait deux enfants qu'elle aimait, mais le père, lui, était bizarre, il n'avait pas l'air bien, il marchait la tête entre les jambes. C'est un vieux qui parlait super mal (à sa conjointe).»

Leur fils aîné passait beaucoup de temps chez des voisins. « J'ai joué toute la journée d'hier avec lui, il avait le grand sourire dans la face, même si ses parents lui criaient dessus», dit un jeune voisin. «Il était turbulent mais très poli. S'il y avait eu de quoi chez eux, il l'aurait dit», croit la mère du petit voisin.

D'après les voisins, le père avait deux enfants adultes nés d'un précédent mariage, mais ne les voyait plus. Il venait de subir une importante opération et allait fêter ses 73 ans le mois prochain. «C'était pas du méchant monde comme tel. Ça me désole beaucoup que ça en soit arrivé jusque là», lâche un voisin.

L'autopsie des trois corps sera pratiquée les 26 ou 27 juillet 2010 et devra confirmer les causes de la mort. La police doit encore rencontrer des témoins, mais privilégie fortement la thèse du double meurtre suivi d'un suicide.

(D'après Anabelle Nicoud, «
Drame familial à Montréal», La Presse, 24 juillet 2010).

Maladie, âge et dépression du père («Il n'en pouvait plus», disait une voisine à un journaliste de Radio-Canada), violence verbale et couple dysfonctionnel sont sans doute des facteurs qui ont pu contribuer à cet acte tragique, pourtant disproportionné dans ses effets par rapport au passé du couple aux yeux des voisins dont le témoignage n'est pas si négatif à l'égard du père ou de la mère, la seule survivante de ce drame familial qui pleure un conjoint et deux fils.

Cette mort volontaire s'impose à la collectivité, étonnée et choquée, comme un geste complexe où s'entremêlent de multiples enjeux d'ordre familial, social et psychologique ayant pour aboutissement une violence meurtrière, incontrôlée et incontrôlable. Nous sommes ici en face de ce qu'on appelle «Male mort»: une mort non naturelle qui choque par sa soudaineté, sa brutalité et son imprévisibilité. (P. Charlier, Male mort. Morts violentes dans l'Antiquité, Fayard, 2009, p. 11)

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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