L'Encyclopédie sur la mort


Souvenirs de la maison des morts

Fedor Mikkaïhovich Dostoïevski

Souvenirs de la maison des morts, roman entrepris par Dostoïevski dès 1855, après que celui-ci eut purgé une peine de cinq ans de bagne en Sibérie, fut publié en 1862. « Ce livre est un fragment d’autobiographie, mêlé d’observations sur un monde spécial de descriptions et de récits très simples; c’est le journal du bagne, un album de croquis rassemblés dans les casemates de Sibérie » ( E. M. de Vogüé). Ce roman a été mis en musique par le compositeur tchèque Leoš Janáček dans son dernier Opéra en trois actes qui porte le nom de De la maison des morts et qui fût représenté pour la première fois en 1930, deux ans après sa mort.
Présentation

« Les Souvenirs de la maison des morts n’empruntent rien à la fiction, sauf quelques précautions de mise en scène, nécessitées par des causes étrangères à l’art. [....] Avant de vous récrier sur l’éloge d’un galérien, écoutez comment Dostoïevski fut précipité dans cette infâme condition. Mais je ne crois pas risquer un paradoxe en disant que son talent
bénéficia de ses souffrances, qu’elles développèrent en lui le sens de l’analyse psychologique. C’était l’opinion de l’écrivain lui-même, non seulement au point de vue de son talent, mais de toute la suite de sa vie morale. Il parlait toujours avec gratitude de cette épreuve, où il disait avoir tout appris. Notre auteur feint d’avoir trouvé ce récit dans les papiers d’un ancien déporté, criminel de droit commun, qu’il nous représente comme un repenti digne de toute indulgence. Plusieurs des personnages qu’il met en scène appartiennent à la même catégorie. C’étaient là des concessions obligées à l’ombrageuse censure du temps; cette censure n’admettait pas qu’il y eût des condamnés politiques en Russie. »
(« Souvenirs de la maison des morts. Avertissement » par Vicomte Marie-Eugène-Melchior de Vogüé, diplomate et homme de lettres français, né à Nice le 24 février 1848 et mort à Paris le 24 mars 1910)
http://fr.wikisource.org/wiki/Souvenirs_de_la_maison_des_morts/Avertissement

La maison des morts (Extrait)

Notre maison de force se trouvait à l’extrémité de la citadelle, derrière le rempart. Si l’on regarde par les fentes de la palissade, espérant voir quelque chose, – on n’aperçoit qu’un petit coin de ciel et un haut rempart de terre, couvert des grandes herbes de la steppe. Nuit et jour, des sentinelles s’y promènent en long et en large; on se dit alors que des années entières s’écouleront et que l’on verra, par la même fente de palissade, toujours le même rempart, toujours les mêmes sentinelles et le même petit coin de ciel, non pas de celui qui se trouve au-dessus de la prison, mais d’un autre ciel, lointain et libre. Représentez-vous une grande cour, longue de deux cents pas et large de cent cinquante, enceinte d’une palissade hexagonale irrégulière, formée de pieux étançonnés et profondément enfoncés en terre: voilà l’enceinte extérieure de la maison de force. D’un côté de la palissade est construite une grande porte, solide et toujours fermée, que gardent constamment des factionnaires, et qui ne s’ouvre que quand les condamnés vont au travail. Derrière cette porte se
trouvaient la lumière, la liberté ; là vivaient des gens libres. En deçà de la palissade on se représentait ce monde merveilleux, fantastique comme un conte de fées: il n’en était pas de même du nôtre, – tout particulier, car il ne ressemblait à rien; il avait ses mœurs, son costume, ses lois spéciales: c’était une maison morte-vivante, une vie sans analogue et des
hommes à part. C’est ce coin que j’entreprends de décrire.


Texte intégral

Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821-1881), Souvenirs de la maison des morts (1862). Traduit du russe par M. Neyroud. Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, professeur retraité de l’enseignement de l’Université de Paris XI-Orsay. Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
http://classiques.uqac.ca/classiques/dostoievski/souvenirs_maison_des_morts/souvenirs.html

Commentaires

Avis par Solangejazz sur Dostoievski Souvenirs de la Maison des morts, le 29 mars 2005
http://www.ciao.fr/Dostoievski_Souvenirs_de_la_Maison_des_morts__605790

« Dostoïevski, dans le livre où sont consignés les souvenirs des quatre années qu'il passa au bagne, écrivit ceci: « L'homme est un être qui s'habitue à tout : c'est, je crois, sa meilleure définition ». Un phtisique de la «Maison des morts », un phtisique au dernier terme d'une interminable agonie meurt-il dans ses fers, dans des fers pesant de huit à douze livres? - « tout le monde y était habitué, tout le monde voyait là une chose établie, irréformable ». Seul un petit aigle des steppes, blessé et à bout de forces, demeure solitaire et haineux dans un coin, serré contre une palissade, et paraît attendre la mort en refusant toute caresse et toute nourriture. « C'est une bête libre, farouche. Elle ne s'habituera jamais à la prison », dit un prisonnier. « Faut-il croire qu'il n'est pas comme nous, ajouta quelqu'un. - Tu en as de bonnes: c'est un oiseau, et nous on est des hommes! » (Jean Salem, Le bonheur ou l'art d'être heureux par gros temps, Champs, « Essais », 2011, p. 128-129)
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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