L'Encyclopédie sur la mort


Le pourquoi de l'anorexie mentale

Pierre Zamet

Dans le suivi médical et psychologique d'une quinzaine de cas, l'origine du trouble est resté le plus souvent mystérieuse. Le point de départ est souvent le désir de perdre quelques kilos. Il s'agit de se conformer aux canons de l'esthétique féminine réalisée par les mannequins dont la maigreur est valorisée. Il arrive que la mère encourage au début la démarche et qu'elle-même cherche à perdre du poids. Les parents sont le plus souvent bien adaptés socialement, au point de se demander comment une relation familiale si habituelle peut générer une situation aussi gravement bloquée. (P. Zamet, op. cit., p. 128)

Note: On aurait le goût de demander à l'auteur ce qu'il entend par «parents «bien adaptés socialement». L'adaptation sociale des parents n'est-elle pas une des raisons qui contribuerait à l'explication du phénomène de l'anorexie mentale, si elle signifie la soumission non critique des parents aux normes sociales et aux modèles sociaux véhiculés au sein de la société contemporaine de performance et de consommation?
La personnalité de la mère cependant paraît souvent particulière, sinon toujours. Pour résumer, normative, perfectionniste, soucieuse que ses proches se conforment étroitement à ses règles de vie et à sa façon de représenter les choses. Elle s'occupe activement de l'éducation des enfants qui ne manquent de rien sur le plan matériel. Leur scolarité est bien encadrée et l'intellect fortement stimulé. La rigidité des attitudes provoque un blocage des satisfactions relationnelles aux différentes étapes du développement. En dépit de l'affection et de l'attention prodiguées par la mère, l'enfant a ressenti une difficulté à partager ses sentiments, à se confier, à s'exprimer librement. Prendre des initiatives était incongru. L'introduction de symétrie dans la relation avant l'adolescence n'était pas de mise la volonté de l'enfant ne recevant qu'un minimum de considération. À ces limitations pouvaient s'ajouter des restrictions concernant le besoin de sensations, l'accès à la sexualité, la possibilité d'exprimer son agressivité, de faire valoir sa représentation du monde. Comme l'expérience n'avait rien de gravement carentiel , la vie s'est déroulée avec un minimum de soubresauts pendant l'enfance. Avec le choc pubertaire et la réactivation intense des sentiments, le gouffre de l'insatisfaction multiforme surgit sur la route du sujet. Pour échapper à ce retour en force d'un mal-être cumulé, l'adolescente ne trouve d'autre solution, à ce moment, que de geler toute satisfaction primaire. Le recyclage des besoins est bloqué, l'identité est fragilisée et dévalorisée. Quand on demande à une anorexique si elle s'aime, elle répond régulièrement par la négative. La jeune fille ne réussit pas à se libérer d'un étouffement de son expression propre par une figure d'autorité qui lui demande de s'aligner sur ses perfections illusoires. Retrouver une autre «ligne» est la voie de la révolte. Pour y parvenir, l'adolescente renonce à son appétit et ses appétits qu'elle n'a pu satisfaire pleinement durant l'enfance, qu'elle n'a pas appris à maîtriser, qui reviennent en force et lui font peur. L'alimentation, symbole de la fonction nourricière de la mère, est prise en otage pour tester sa capacité à gérer le flux vital qui la déborde.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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