Gérard DE CONINCK et Guy LEMIRE (2011). Être directeur de prison / Regards croisés entre la Belgique et le Canada. Paris: L'Harmattan, 245 pages.
Gérard est un ex-directeur de prison en Belgique et un professeur honoraire de l'École de criminologie de l'Université de Liège. Guy est un ex-directeur de prison au Canada et un professeur honoraire de l'École de criminologie de l'Université de Montréal (note d'André Normandeau
Gérard est un ex-directeur de prison en Belgique et un professeur honoraire de l'École de criminologie de l'Université de Liège. Guy est un ex-directeur de prison au Canada et un professeur honoraire de l'École de criminologie de l'Université de Montréal (note d'André Normandeau
Recension
Le titre de ce livre, en lui-même, interpelle. On comprend vite que ce temps particulier de leur parcours professionnel représente pour chacun d'eux un engagement tout à fait spécifique de leur vie. Ils ont été directeur de prison à part entière, avec tout leur être. Le fait que cette responsabilité n'ait concerné qu'un temps limité de leur carrière donne encore plus d'intensité à cette expérience qui marque leur cheminement. Ceci leur permet aussi de garder un peu plus de détachement à l'égard d'une institution qui est cependant restée le centre de leur intérêt.
Leurs deux approches sont cependant fondamentalement différentes et elles se vivent dans deux pays qui semblent ne présenter que très peu de similitudes politiques et sociétales.
Gérard de Coninck évoque un engagement religieux et social pour expliquer son entrée en prison, dans un premier temps comme chercheur. Il a sollicité une première fois un poste de directeur avant de se rétracter au dernier moment, considérant qu'il ne se sentait pas prêt à en accepter toutes les contraintes. Il se consacre ensuite à la recherche et à l'enseignement, toujours dans ce domaine, ainsi que dans la police, avant de solliciter en toute fin de carrière, un emploi de directeur de prison, qu'il prend toutefois avec un peu d'hésitation. Il garde une relation ambiguë avec l'institution carcérale, une sorte de relation de défiance, que ce soit à l'égard de ses dirigeants ou de ses employés, tout en y exerçant une position de responsabilité. Aucune relation de confiance ne semble s'instaurer avec ses pairs qui partagent cependant son engagement professionnel au quotidien.
Guy Lemire semble faire un choix beaucoup plus simple : c'est pour lui une option professionnelle parmi d'autres, mais en aucun cas un engagement de vie. Il se prend cependant au jeu de cette implication très humaine et manifeste son intérêt lorsque le Service Correctionnel du Canada recherche un directeur pour mettre en œuvre une expérience pilote qui vise à renouveler les relations entre le personnel et les condamnés afin de trouver dans une nouvelle responsabilisation des moyens de réhabilitation. Il est retenu alors et devient ainsi un très jeune directeur qui s'engage dans un projet ambitieux en toute confiance avec sa hiérarchie et l'ensemble de ses collaborateurs. Il quitte ensuite le service correctionnel après cette expérience très constructive.
Le dialogue entre ces deux directeurs aux expériences très contrastées est très riche et confiant. Il nous permet ainsi de retenir toute l'intensité de l'engagement dans ce métier que l'un qualifie «d'impossible» tout en rappelant tout son attachement et sa sympathie pour toux ceux qui l'exercent.
Ces échanges permettent d'illustrer les raisons très différentes qui conduisent à ce métier et la place qu'a pris l'enseignement universitaire dans ce domaine au cours des dernières décennies, bien que ce soit à des rythmes différents selon les pays. Ils permettent de mesurer les contraintes excessives et contradictoires auxquelles sont confrontés ces responsables et la solitude dans laquelle ils sont souvent amenés à prendre les décisions les plus difficiles. Ils analysent de manière plus approfondie les difficultés de la situation belge en exposant les limites des évolutions déjà conduites et les contraintes pour engager de réelles transformations. La situation canadienne est présentée beaucoup plus positivement quant au chemin parcouru et c'est la préservation des acquis qui interroge.
L'intensité de ce qu'ont vécu ces deux directeurs de prison qui ont choisi de ne consacrer que quelques années à cet engagement professionnel interroge sur ce que vivent ceux qui y consacrent toute leur vie professionnelle.
Patrick MOUNAUD, délégué régional CNRS Midi Pyrénées,
directeur des services pénitentiaires de 1984 à 2010.
via André Normandeau, Ph D
co-responsable des recensions pour la RCCJP (Ottawa) et la RSCDPC (Paris)
Professeur invité au trimestre d'hiver 2012 à l'Université de la Floride.
À consulter également
Patrick MOUNAUD et Marion VACHERET (2008). L'exécution de la prison privative de liberté au Canada / Mythes et réalités. Paris: Les Presses du Ministère de la Justice, Direction de l'Administration pénitentiaire, 93 pages.
Patrick est un ex-directeur de prison en France et un ex-directeur régional de l'Administration pénitentiaire (AP). Actuellement, il est directeur régional du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Toulouse (Midi-Pyrénées). Patrick a séjourné un an au Québec et au Canada (2007-2008) dans le cadre d'un séjour d'études au Centre international de criminologie comparée (CICC) de l'Université de Montréal ainsi qu'au Service correctionnel du Canada (SCC). Il a écrit, en collaboration avec ma collègue Marion VACHERET, spécialiste dans le domaine des prisons, un petit livre sur le système pénitentiaire au Canada, accompagné de quelques comparaisons avec la France (note d'André Normandeau
Le titre de ce livre, en lui-même, interpelle. On comprend vite que ce temps particulier de leur parcours professionnel représente pour chacun d'eux un engagement tout à fait spécifique de leur vie. Ils ont été directeur de prison à part entière, avec tout leur être. Le fait que cette responsabilité n'ait concerné qu'un temps limité de leur carrière donne encore plus d'intensité à cette expérience qui marque leur cheminement. Ceci leur permet aussi de garder un peu plus de détachement à l'égard d'une institution qui est cependant restée le centre de leur intérêt.
Leurs deux approches sont cependant fondamentalement différentes et elles se vivent dans deux pays qui semblent ne présenter que très peu de similitudes politiques et sociétales.
Gérard de Coninck évoque un engagement religieux et social pour expliquer son entrée en prison, dans un premier temps comme chercheur. Il a sollicité une première fois un poste de directeur avant de se rétracter au dernier moment, considérant qu'il ne se sentait pas prêt à en accepter toutes les contraintes. Il se consacre ensuite à la recherche et à l'enseignement, toujours dans ce domaine, ainsi que dans la police, avant de solliciter en toute fin de carrière, un emploi de directeur de prison, qu'il prend toutefois avec un peu d'hésitation. Il garde une relation ambiguë avec l'institution carcérale, une sorte de relation de défiance, que ce soit à l'égard de ses dirigeants ou de ses employés, tout en y exerçant une position de responsabilité. Aucune relation de confiance ne semble s'instaurer avec ses pairs qui partagent cependant son engagement professionnel au quotidien.
Guy Lemire semble faire un choix beaucoup plus simple : c'est pour lui une option professionnelle parmi d'autres, mais en aucun cas un engagement de vie. Il se prend cependant au jeu de cette implication très humaine et manifeste son intérêt lorsque le Service Correctionnel du Canada recherche un directeur pour mettre en œuvre une expérience pilote qui vise à renouveler les relations entre le personnel et les condamnés afin de trouver dans une nouvelle responsabilisation des moyens de réhabilitation. Il est retenu alors et devient ainsi un très jeune directeur qui s'engage dans un projet ambitieux en toute confiance avec sa hiérarchie et l'ensemble de ses collaborateurs. Il quitte ensuite le service correctionnel après cette expérience très constructive.
Le dialogue entre ces deux directeurs aux expériences très contrastées est très riche et confiant. Il nous permet ainsi de retenir toute l'intensité de l'engagement dans ce métier que l'un qualifie «d'impossible» tout en rappelant tout son attachement et sa sympathie pour toux ceux qui l'exercent.
Ces échanges permettent d'illustrer les raisons très différentes qui conduisent à ce métier et la place qu'a pris l'enseignement universitaire dans ce domaine au cours des dernières décennies, bien que ce soit à des rythmes différents selon les pays. Ils permettent de mesurer les contraintes excessives et contradictoires auxquelles sont confrontés ces responsables et la solitude dans laquelle ils sont souvent amenés à prendre les décisions les plus difficiles. Ils analysent de manière plus approfondie les difficultés de la situation belge en exposant les limites des évolutions déjà conduites et les contraintes pour engager de réelles transformations. La situation canadienne est présentée beaucoup plus positivement quant au chemin parcouru et c'est la préservation des acquis qui interroge.
L'intensité de ce qu'ont vécu ces deux directeurs de prison qui ont choisi de ne consacrer que quelques années à cet engagement professionnel interroge sur ce que vivent ceux qui y consacrent toute leur vie professionnelle.
Patrick MOUNAUD, délégué régional CNRS Midi Pyrénées,
directeur des services pénitentiaires de 1984 à 2010.
via André Normandeau, Ph D
co-responsable des recensions pour la RCCJP (Ottawa) et la RSCDPC (Paris)
Professeur invité au trimestre d'hiver 2012 à l'Université de la Floride.
À consulter également
Patrick MOUNAUD et Marion VACHERET (2008). L'exécution de la prison privative de liberté au Canada / Mythes et réalités. Paris: Les Presses du Ministère de la Justice, Direction de l'Administration pénitentiaire, 93 pages.
Patrick est un ex-directeur de prison en France et un ex-directeur régional de l'Administration pénitentiaire (AP). Actuellement, il est directeur régional du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Toulouse (Midi-Pyrénées). Patrick a séjourné un an au Québec et au Canada (2007-2008) dans le cadre d'un séjour d'études au Centre international de criminologie comparée (CICC) de l'Université de Montréal ainsi qu'au Service correctionnel du Canada (SCC). Il a écrit, en collaboration avec ma collègue Marion VACHERET, spécialiste dans le domaine des prisons, un petit livre sur le système pénitentiaire au Canada, accompagné de quelques comparaisons avec la France (note d'André Normandeau