L'Encyclopédie sur la mort


Discours d'adieu de Calvin aux membres du petit Conseil

Jean Calvin

C'est en avril 1564, un mois avant sa mort, que Calvin, né à Noyon, France, le 10 juillet 1509 et décédé à Genève le 27 mai 1564. rédige son testament et ses discours d'adieu. Lorsqu'il s'adresse aux dirigeants, il prend une attitude d'humble serviteur de Dieu, qui a si peu fait, mais ce qu'il a fait, il l'a fait avec le souci de faire le bien..Il les exhorte à rester fidèles à Dieu et à son enseignement ainsi qu'aux principes de la vie chrétienne. Il les stimule à pratiquer la justice, l'égalité, la droiture et la prudence dans leurs jugements et dans leurs actions. C'est en homme infirme et pécheur qu'il leur parle au nom de Dieu au milieu des maux qui les accablent tous. Il tient à leur répéter que la seule supériorité appartient à Dieu, qui accorde sa grâce à qui il veut, et qu'ils doivent servir leurs sujets comme des égaux. Que les vieux respectent les jeunes en estimant leur grâce et vigueur, comme les jeunes doivent respecter les vieux en reconnaissant leurs aptitudes et capacités. On reconnaît le pessimisme de Calvin pour qui l'homme est foncièrement mauvais à cause du péché originel et ne saura savoir s'il est élu par Dieu ou non.
Estant proposé que le Sr Calvin se sentant pressé de maladie iusques à la mort, a désiré d'estre ouy devant Messieurs, doutant qu'il ne sera pas bon qu'il vienne icy pour sa débilité; Arresté que Messieurs lallent trouver en son logis pour entendre ce quil voudra dire et apres luy presenter toute bonne affection et amitié, mesmes à ses parens apres son deces pour les agreables services qu'il a fait à la Seigneurie et ce quil sest aquité fidelement de sa charge.

Sen suivent les propos et exortations de spectable Jan Calvin ministre de la parole de Dieu en ceste eglise tenus ce ioujourdhui 27 dapvril 1564 à nos tres honorés sindiques et conseil.

Premierement après avoir remercié Messieurs de la peine quil leur a plu prendre de se transporter vers luy, combien que son désir eust esté deffaire porter en la maison de ville, il a déclairé qu'il a tousjours heu désir de parler à eux encor une fois, et combien que par cy devant il ayt esté bien bien bas, toutefois il ne sest point voulu haster, dautant que Dieu ne luy donnoit pas d'advertissement si précis quil fait à présent.

Puis apres il les a remercies de ce quil leur a pleuz luy faire dhonneur plus quil ne luy apartenoyt et le supporter en plusieurs endroitz comme il en avoyt bien besoin, et encore se tient dautant plus oblige a nosdits seigneurs de ce que tousjours ils luy ont monstre tel signe damitié quilz ne pouvoient mieux faire. Vray est que pendant quil a esté icy il a eu plusieurs combatz et facheries qui ne viennent de Messeigneurs, comme il fault que touttes gens de bien soient exerces: priant sil na fait ce quil debvoit quil plaise a Messeigneurs de prendre le vouloir pour l'effect car il a desiré le bien de ceste ville et la procure mais il sen fault de beaucoup quil ne sen soit acquitté. Vray est quil ne nye pas que Dieu ne se soit servy de luy a ce peu quil a fait et sil disoit autrement il seroyt hipocrite: priant encore destre excusé davoir fait si peu au pris de quil debvoit tant en public quen particulier. Estimant que Messeigneurs lont suporté en ses affections trop vehementes esquelles il se deplait et en ces vices, comme Dieu a fait de son costé.

Oultre plus il a protesté devant Dieu et Messeigneurs quil a tasché de porter purement la parolle que Dieu luy avoit commis, sasseurant de navoir point cheminé a ladventure ny en erreur. Autrement il attendroit une condamnation sur sa teste, ne doubtant pas comme on voit que le diable qui ne tend qua pervertir ne suscite au monde de meschantes gens ayans esprits volages et frenetiques qui tendent à mesme fin.

Au reste il fault que Messeigneurs oyent quelque petit mot dexortation; Cest quils voient lestat auquel ils sont et quand ils penseront estre bien asseures ou quils seront menassés quil fault quils estient tousjours que Dieu veult estre honore et quil se reserve de maintenir les estats publicqz et touttes seigneuries et veult quon luy face ommage recognoissant quon depend entierement de luy. Tels sont exemples de David lequel confesse quand il a esté paisible en son royaume il est oublié jusques a trebucher mortellement si Dieu neust pitié de luy. Que si un homme tant excellent, riche et redoubte est trebuche, que sera ce de nous qui ne sommes rien? Nous aurons donc bien occasion de nous humilier et cheminer en crainte et sollicitude nous tenans caches soubz les ailes de Dieu auquel toutte nostre asseurance doyt estre. Et combien que nous soions comme perdans dun fil que touttesfois il continuera comme du passe a nous garder ainsi que desia nous avons expérimenté qui nous sauves en plusieurs sortes.

Si notre seigneur nous donne prosperite nous nous esgaions. Mais quand nou sommes assallis de tous costes et quil semble quil y aye une centeine de maux autour, nous ne debvons pas laisser de nous asseurer en luy, et touttes fois et quantes que quelque chose surviendra, sachons que cest Dieu qui nous veult eveiller, affin de nous humilier et nous tenir caches soubz ses ailes. Que si nous voulons estre maintenus en nostre estat il ne fault point que le siege auquel il nous a mis soit deshonore. Car il dit quil honorera ceux qui l'honoreront, et au contraire quil mettra en opprobre ceux qui le mespriseront. Il ny a superiorite que de Dieu qui est Roy des Roix et Seigneur des seigneurs. Cecy est dit affin que nous le servions purement selon sa parolle et y pensions mieux que iamais. Car il sen fault beaucoup que nous ne nous acquitions pleinement et en telle intégrité que nous debvrions.

Au surplus il a dit avoir cogneu en partie touttes nos meurs et fassons de faire, tellement que nous avons besoin destre exortes. Chascun a ses imperfections. Cest a nous de les considerer. Partant que chascun regarde a soy et les combatte. Les uns sont froids, adonnes a leurs negoces, ne se socians gueres du public. Les autres sont adonnes a leurs passions. Les autres, quand Dieu leur aura donne esprit de prudence, ne lemploieront pas. Les autres sont adonnes a leurs opinions, voulans estre creuz aparoistre et estre en credit et reputation. Que les vieux ne portent point denvie aux ieunes des graces quils auront receues, mais quils en soyent aises et louent Dieu qui les y a mises. Que les ieunes se contiennent en modestie sans se vouloir trop avancer: car il y a tousjours de la venterie en ieunesse qui ne se peult tenir de savancer en mesprisant les autres.

Quant aux proces civilz ou criminels quon reiette toutte faveur hayne traverses recommandations et quon renonce a soy tenant droiture et egualité. Et si on est tente de desvier quon resiste et soyt constant regardant a celuy qui nous a establis, le priant de nous conduire par son sainct esprit et il ne nous defaudra point.

Finalement apres avoir derechef prie destre tenu pour excusé et suporté en ses infirmités lesquelles il ne veult pas nier, car puis que Dieu et ses anges les scavent il na pas honte de les confesser devant les hommes, prenant en gre son petit labeur il a prie ce bon Dieu quil nous conduise et gouverne tousjours et augmente ses graces sur nos et les fasse valoir a nostre salut et de tout ce paovre peuple.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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