Épouse du poète exalté Heinrich Stieglitz. Contracté après six longues années d’attente, leur mariage fut une amère déception. Malgré l’obtention de son doctorat et d’une chaire à l’université de Berlin, Heinrich se rendit compte de son échec littéraire et sombra dans la mélancolie*. Afin de lui rendre sa liberté créatrice, Charlotte, se revêtant d’une chemise blanche, enfonça dans son cœur la lame du poignard qu’elle venait d’acheter à Heinrich, la veille de son tour littéraire en Allemagne.
Outre le symbolisme du geste amoureux, la lettre d’adieu* évoque l’image d’un amour éternel: «Tu ne pouvais devenir plus malheureux, très aimé, mais au contraire, tu peux être plus heureux au sein d’un malheur véritable. Dans le fait d’être malheureux, réside souvent une bénédiction merveilleuse: elle descendra assurément sur toi! Nous avons souffert tous deux d’une même souffrance, tu sais combien j’ai souffert en moi-même; que jamais retombe sur toi un reproche, car tu m’as beaucoup aimée! Cela va aller mieux pour toi, beaucoup mieux et dès à présent! Pourquoi? Je le sens et je ne trouve pas de mots pour le dire. Nous nous reverrons un jour plus libres, plus indépendants! Mais toi, tu achèveras d’abord de goûter la vie dans tout ce qu’elle peut t’offrir et il faut que tu prennes encore vaillamment tes ébats à travers le monde. Salue tous ceux que j’aimais et qui me le rendaient. Au revoir dans l’éternité tout entière! Charlotte» (cité dans A. Castelat, Belles et tragiques, t. I Paris, « J’ai lu », 1975, p. 128).