Eugenia Kutner est née à Varsovie (Pologne), le 14 juin 1884 de parents appartenant à la bourgeoisie juive. À 20 ans, elle se rend à Paris où elle obtiendra une licence en Lettres à la Sorbonne, suivra aussi les cours de Pierre Janet (1859-1947), philosophe et médecin, fondateur de la Société de psychologie en1901 et du Journal de Psychologie Normale et Pathologique en 1904, éminent chercheur expérimental en psychologie dynamique. C'est à Paris à qu'elle rencontre dans cette période Sokolnicki qui deviendra son époux. Après le mariage, le couple retourne en Pologne. Désormais Eugenia Kutner sera connue sous le nom d'Eugenia ou Eugénie Sokolnicka.
En 1911, elle étudie à la clinique Burghölzli à Zurich (Suisse) où elle suivra des cours de Carl Gustav Jung. Lorsque celui-ci rompt avec Sigmund Freud*, elle se rend à Vienne où elle commence une psychanalyse sous la direction de Freud. Après une année, elle passe par une crise de contre-transfert hostile à l'égard de Freud, abandonne son analyse, divorce avec Sokolnicki et s'installe à Munich. Lorsque la première guerre mondiale éclate, elle retourne en Varsovie, sa ville natale, pour la quitter à nouveau en 1916 pour Zurich où elle deviendra membre de la Société psychanalytique de Zurich et sera élue aussi à la Société psychanalytique de Vienne. En 1918, elle retourne en Pologne avec l'intention d'y instaurer sa propre pratique psychanalytique. À Budapest en Hongrie, elle entame une nouvelle psychanalyse, cette fois-ci avec Sándor Ferenczi. En septembre 1920, elle présenta, au congrès international de la psychanalyse à La Haye, une communication sur «la diagnose et les symptômes de la neurose à la lumière des théories psychanalytiques».
En 1921, on la retrouve à Paris où elle coopère à La Nouvelle Revue française. Elle y organise, avec beaucoup de succès, des sessions sur Freud auxquelles assistent, entre autres, Jacques Rivière (1886-1925), directeur de la revue, et André Gide*. Celui-ci a eu quelques analyses avec elle et la dépeint comme «Doctoresse Sophroniska» dans son roman Les Faux-Monnayeurs (1925). Durant l'hiver 1922-1923, elle donne plusieurs conférences à l'École des hautes études en sciences sociales. Grâce à son ami Paul Bourget (1852-1935), auteur des Essais de psychologie contemporaine (Lemerre, 1883) et des Nouveaux essais de psychologie contemporaine (Lemerre, 1886), elle y fit la connaissance du professeur Georges Heuyer (1884-1977), fondateur de la pédopsychiatrie en France. Sokolnicka deviendra la pionnière de la psychanalyse des enfants, tout en poursuivant ses activités d'enseignement et de sessions de psychanalyse. À la fondation de la Société psychanalytique en novembre 1926, elle est nommée vice-présidente. En juin 1929, à la quatrième Conférence des psychanalystes francophones, elle présente un rapport sur «Quelques problèmes de technique psychoanalytique» (Revue française de psychanalyse, 1929,3 (1), p.1-91).
À partir de 1931, son tempérament colérique, que Ferenczi décrit déjà en 1921 comme «sensibilité pathologique», se manifeste de plus en plus. Elle aurait connu une vie sexuelle turbulente et son état de dépression* devient chronique. Sa clientèle diminue et elle se sent isolée de la Société Psychanalytique de Paris. Elle décède, sans doute délibérément, d'une intoxication de gaz, le 19 mai 1934.
Appréciations
Édouard Pichon, un de ses analysés, lui rend hommage : «Avec Madame Sokolnicka nous arrive une psychologue ayant puisé ses connaissances psychanalytiques aux meilleures sources, et une technicienne capable d'appliquer effectivement la méthode à des cas concrets. Mais Madame Sokolnicka ne peut prendre contact tout de suite avec le monde médical. Ses relations (Paul Bourget) l'entraînèrent surtout vers le groupe littéraire de la Nouvelle Revue française. Jacques Rivière en particulier resta son ami jusqu'à ce qu'elle mourût. L'image déformée que André Gide a donné d'elle «Mme Sophronicka» dans son roman les Faux monnayeurs est le dernier lais de son activité d'alors.» (Édouard Pichon, «Eugénie Sokolnicka» Revue française de psychanalyse, 1934, 9 (4), p. 559—588).
À Ferenczi, qui prie Freud d'écrire une lettre de recommandation pour Eugénie avant son départ pour la France en 1921, Freud répond: «Tous les deux, nous ne l'aimons point, mais vous avez apparemment une certaine faiblesse à l'égard de cette personne désagréable.»
Cependant quelques années plus tard, Freud prend position en sa faveur dans une lettre adressée à René Laforgue, (1894-1962), psychiatre et psychanalyste français, dans un conflit qui l'oppose à Eugénie: «Nous aurions beaucoup apprécié votre coopération avec Madame Sokolnicka, car nous la connaissons depuis très longtemps et nous ne pouvons pas nous empêcher de la considérer comme notre représentante légitime.» (le 15 janvier 1924)
Bibliographie
Duhamel, Pascale, Eugénie Sokolnicka (1884-1934): entre l'oubli et le tragique. Mémoire pour le Certificat d'études spéciales de psychiatrie. Bordeaux-II, 1988.
Eugénie Sokolnicka, «Analysis of an obsessional neurosis in a child». International Journal of Psycho-Analysis, 1920. 3, p.306-319.
En ligne
«Psychoanalysis:Eugénie Sokolnicka-Kutner»
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Eugénie Sokolncka
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