L'Encyclopédie sur la mort


Simenon Marie-Jo

Simenon Marie-JoÉcrivain et cinéaste, fille de Georges Simenon (1903-1989). Pour connaître la vie et la mort ainsi que la brève carrière et les textes de Marie-Jo, il convient de lire le livre que son père a dédié à sa fille et qui s’intitule Mémoires intimes, suivis du livre de Marie-Jo, Montréal, Presses de la Cité, 1981. Marie-Jo s’est tiré une balle dans la poitrine dans son appartement des Champs–Élysées à Paris, le 19 mai 1978. Le jour fatal, elle avait téléphoné à son père en lui disant à la fin de la conversation: «Je t’aime Dad… Dis-moi aussi que tu m’aimes… — Je t’aime infiniment, ma chérie… — Non. Je veux que tu me dises, sans plus: je t’aime… Dis-moi, je t’aime.» Et le père de prononcer tendrement «Je t’aime.»

Elle a laissé une carte écrite le jour même de sa mort: «Pour mon Daddy, avec tout ce que cela aura peut-être de dur, de cruel, selon les circonstances. J’espère seulement qu’il comprendra que “tout” vient de moi, que je l’ai voulu et que peut-être, enfin, je cesse de me torturer moi-même. Je t’aime pour la dernière fois, sous le “tu sais”… et puis le “beaucoup” qui cache le: “…j’ai osé dire je t’aime!” (c’est ça?…) Take care of yourself, for me, for all what I was not able to be — (By my own fault). Ta petite? fille! Tu sais … (je rajoute un “tu sais”). La chose la plus extraordinaire aura été d’avoir un “Daddy” puis un “Dad”, d’avoir aimé “l’homme”, de loin comme une amante, d’avoir lu presque tout du “Simenon”, la gorge serrée, d’avoir enfin englobé “l’être humain” tout entier, du petit garçon à aujourd’hui, au fil des pages et de mes propres souvenirs… Un “Monsieur”, aussi, magnifique dans son costume de soie et qui m’enlève dans ses bras, porté par la musique… Une tendresse que jamais je n’aurai retrouvée. Marie-Jo?» (Mémoires, p. 608).

Dans son journal intime, elle parle de sa honte et de sa peur, de sa haine et de sa force destructrice. Son euphorie et sa douleur ont été son amour excessif ou mal orienté, à l’égard de son père: «En plus de “mon Dieu”, que je priais souvent, tu étais mon Dieu concret, la force à laquelle je me raccrochais…» (p. 686); «Souvent j’ai mal, parce que je te déifie et que tu me deviens par là même inaccessible. Quand je te retrouverai à l’image de mon père, j’aurai enfin gagné. Je serai toute proche de toi dans la réalité meilleure que les rêves du passé…» (p. 687). Déification du père, accompagnée d’une dépréciation de sa propre image! Les deux sont-elles liées? Dans une lettre d’adieu, datée du 15 mai 1975, avant une tentative de suicide, elle écrit à «son grand vieux Dad»: «je ne sais plus lutter», «j’ai toujours été lâche», «je me sens si mal aimée», «j’ai peur d’avoir peur» (p. 684-685). Son sentiment d’impuissance et son angoisse démesurée l’ont conduite «à entreprendre le geste nécessaire» (p. 752).

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18