Né dans le Nord de la France, Paul Marchand (1962-2009), a entamé sa carrière de journaliste en 1985 à Beyrouth. Il est l'auteur de Sympathie pour le diable (1997) dans lequel il raconte son expérience de la guerre de Bosnie. Il a travaillé sur un scénario tiré de ce livre en compagnie de l'écrivain québécois Guillaume Vigneault. Il a aussi écrit Ceux qui vont mourir (2001), J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger (2003) et Le Paradis d'en face (2007). La maison d'édition française Grasset l'a décrit comme un homme «singulier et individualiste». Il a reçu en 1994 le prix spécial du jury des Prix Bayeux des correspondants de guerre, pour son travail à Radio-Canada. Il a en effet couvert pour la société publique la guerre civile au Liban, de 1984 à 1992, et le conflit en Bosnie en 1992 et 1993.
Dans son article «Un diable d'homme», Richard Martineau livre un témoignage très senti de l'originalité du personnage:
«Le journaliste Paul Marchand, qui est devenu célèbre en couvrant la guerre de Bosnie, s'est suicidé la semaine dernière. J'ai connu des personnages extravagants au cours de ma carrière, mais dans le genre, Paul était le roi. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui. On avait l'impression qu'il sortait d'un roman.
[...]
Marchand était un paradoxe vivant. Une minute, il se comportait comme un bourgeois blasé, racontant qu'il louait des bagnoles de luxe à Paris, s'en servait pour faire la course avec ses copains jusqu'à Sarajevo, puis les faisait sauter à la dynamite une fois rendu sur place.
Et deux minutes plus tard, il se lançait dans une attaque en règle du système capitaliste.
«On dit que je suis obsédé par le sang. Mais notre économie est une économie de sang ! La guerre économique est pire que la vraie guerre. Un type qui ferme son usine et qui balance des milliers de gens dans la rue, ce n'est pas un massacre, ça? La seule différence, c'est qu'il n'a pas de sang sur les mains.»
«À la limite, je préfère les guerriers, qui tuent directement leurs victimes. Au moins, c'est franc, direct.»
«Il y a deux façons de tuer un homme: le poignarder dans le ventre ou lui dire que désormais il n'est plus rien. Que socialement, il est mort.»
[...]
«Tirez sur moi, je suis immortel !» avait écrit Paul sur son auto quand il couvrait la Bosnie. C'était malheureusement faux.
(Le Journal de Montréal, 29/06/2009)
http://www.fr.canoe.ca/infos/chroniques/richardmartineau/archives/2009/06/20090629-081700.html
Citation
«À Beyrouth comme à Sarajevo, chaque matin, j'appareillais vers la mort dans mon voyage de destruction. Journaliste, je devais raconter, avec des mots de ruines, dans une langue inachevée, que les guerres ne sont rien d'autre qu'un peu de bruit sur beaucoup de silence. Un fracas passager quand le silence devient trop insupportable. Un rêve de monde meilleur, même si le rêve est obscène et turbulent.»
— Paul M. Marchand, Sympathie pour le diable
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radio-canada.ca