Théophile Obenga, L'Égypte, la Grèce et l'École d'Alexandrie. Histoire interculturelle dans l'Antiquité. Aux sources égyptiennes de la philosophie grecque. Paris, Gif-sur-Yvette, Khepera et Paris, L'Harmattan, 2010, 261 avec planches hors-textes (I-XXIX)
Avant-propos
Dans cet ouvrage d'histoire culturelle dans l'Antiquité, les questions importantes suivantes sont traitées :
1. le rôle éducateur de l'Égypte pharaonique vis-à-vis de la Grèce ancienne,
2. l'école d'Alexandrie,
3. les mots grecs d'origine égyptienne.
Isocrate (436 - 338 av. notre ère), orateur athénien, dans son ouvrage Busiris, et Plutarque (vers 50 - vers 125), écrivain grec qui voyagea en Égypte, dans son Isis et Osiris, font, l'un et l'autre, un éloge non mitigé de la civilisation pharaonique, en insistant sur la sagesse égyptienne qui a nourri bien des religions et des philosophies sur le pourtour de la Méditerranée, notamment la « pensée grecque ».
L'archéologie confirme largement cette influence civilisatrice de l'Égypte sur le monde grec dans son ensemble. Les fouilles du Professeur V. KARAGEORGHIS à Chypre, dans les années 80, apportent des témoignages irrécusables. La numismatique ne contredit pas les mythes qui font de Delphos, le fondateur de Delphes au pied du Parnasse, un roi nègre (travaux d'Ernest BABELON, 1907-1914).
Il est alors évident, sur la base de faits variés et vérifiables, que la civilisation pharaonique a rayonné sur bien d'autres mondes voisins (Canaan, Phénicie, Chypre, Crète, Syrie antique, Grèce, Asie Mineure). Toute l'Europe méridionale, des Balkans aux Pyrénées, a adoré la divine Isis, seule déesse vraiment internationale dans l'Antiquité païenne.
De façon plus précise, nous examinons, scrupuleusement, textes à l'appui, l'éducation de l'intelligentsia grecque, de Thalès à Aristote, dans la Vallée du Nil égyptienne, par des savants de ce pays. Cheikh Anta DIOP lui-même a consacré de longs travaux sur cette question fondamentale.
Il est tout naturellement fait appel à l'étymologie, à la linguistique (phonétique surtout à la philologie pour traiter des mots grecs d'origine égyptienne. Il faut peut-être préciser rapidement que la philologie, encore balbutiante en Afrique noire, est la science des documents écrits, sous l'angle de leur étude critique, de leurs rapports avec la civilisation, de l'histoire des mots et de leur origine. Au chapitre 18 de Civilisation ou Barbarie (Paris, Présence Africaine, 1981, p 479- 482), Cheikh Anla DIOP propose, pour la première fois en Afrique, la méthode que l'on pourrait suivre avec profit dans cette recherche des mots égyptiens qui ont passé en grec.
Au fond de toute cette démarche historique, il y a l'intention, avouée, de faire bénéficier l'histoire culturelle dans l'Antiquité de nouvelles approches à propos du dossier « Égypte ancienne et étrangers » où les tendances conservatrices l'emportent bien souvent, falsifiant ainsi l'écriture de l'histoire égyptienne dans ses rapports avec d'autres peuples, étrangers à l'Afrique.
ll s'agit donc de revenir sur ces tendances chauvinistes et ethnocentristes, dans une attitude de vérité historique et surtout de réconciliation de l'homme avec toute l'histoire.
La conclusion générale de cet ouvrage insiste précisément sur cette leçon d'histoire interculturelle, dans un monde qui sent de plus en plus la nécessité de son unité humaine, l'urgence d'un fécond discours culturel planétaire.