Philosophe français d’origine allemande, né le 8 décembre 1723 à Eidesheim au Palatinat. À l’âge de douze ans, il rejoint à Paris son oncle François Adam d’Holbach dont il héritera plus tard le titre de baron et une grande partie des propriétés. Durant ses jeunes années parisiennes, il apprend le français et, en 1744, il entreprend des études à Leyde aux Pays-Bas. Sa formation en sciences naturelles lui permet de collaborer à l’Encyclopédie par la rédaction d’articles de chimie et de minéralogie. Pendant quinze ans, il a travaillé à cette œuvre monumentale avec Diderot* qu’il prend sous sa protection devant le roi et soutient financièrement. Holbach est célèbre pour son mécénat clandestin à l’égard des philosophes des Lumières. Dans son salon de la rue Royale, place Saint-Roch, il reçoit notamment Rousseau*, Diderot, d’Alembert*, Buffon et Helvétius, la liberté d’expression y est totale. Selon Galieni, il se veut « le premier maître d’hôtel de la philosophie ». Il a traduit plusieurs ouvrages scientifiques allemands, des ouvrages poétiques et des ouvrages philosophiques anglais dont Le traité de la nature humaine de Hobbes et Dissertation sur le suicide de Hume*. Voici la chronologie de ses œuvres: Le christianisme dévoilé (1767), La contagion sacrée (1767), Le militaire philosophe (1767), Théologie portative (1767), L’esprit du clergé (1767), Histoire critique de Jésus-Christ (1770), Système de la nature (1770), Essai sur les préjugés (1770), Système social (1773), La morale universelle (1776), Ethocratie ou le gouvernement fondé sur la morale (1776). Grand travailleur et athée vertueux, il est appelé par Michel Onfray, lors d’un séminaire à l’université populaire de Caen, « l’ogre philosophique » (21 mars 2006). Au sujet de sa vie privée et sa personnalité, son ami Diderot raconte plusieurs anecdotes à travers sa correspondance avec Sophie Volland. Le baron s’est marié une première fois à une cousine Basile-Geneviève Suzanne d’Aisne morte très jeune (1754) dont il a eu un garçon. Sa seconde épouse fut la sœur de la première Charlotte Suzanne d’Aisne (1734-1814) qui a mis au monde et élevé trois enfants dont un garçon et des jumelles.
Dans la Morale universelle ou les devoirs de l’homme fondés sur la nature, Holbach associe le suicide à la maladie mentale*. Il soutient qu’un homme «qui se haïrait lui-même, ou qui serait indifférent sur son propre bonheur, serait un insensé peu disposé à faire du bien à ses associés. Un homme qui cesserait de s’aimer serait un malade à qui sa propre vie deviendrait incommode, et qui ne s’intéresserait aucunement aux autres. Les mélancoliques qui se tuent sont des êtres de cette trempe, ainsi que les fanatiques qui, devenus les ennemis d’eux-mêmes, se séparent de la société et se rendent inutiles au monde» (section I, chapitre VI). Cependant, dans le Système de la nature ou des lois du monde physique et du monde moral, l’auteur consacre le chapitre XIV de la première partie à réfuter les objections au suicide. Il observe, selon les pays et les cultures, la différence d’appréciation de la conduite de « ceux qui ont eu le courage de se donner la mort ». Ainsi, les Grecs, et les Romains, «que tout conspirait à rendre courageux et magnanimes, regardaient comme des héros et des dieux ceux qui tranchaient volontairement le cours de leur vie. » Le baron fait aussi mention du sati* en Indes et du seppuku au Japon*. «Chez les peuples de nos contrées, la religion rendit les hommes prodigues de leur vie: elle leur apprit que leur dieu […] ne pouvait approuver qu’ils […] disposent de la vie qu’il leur avait donnée. » Abstraction faite de la religion, certains moralistes estiment que les citoyens n’ont pas le droit de rompre les engagements du pacte qu’ils ont contracté avec la société en naissant. D’autres pensent qu’il y a de la lâcheté et de la pusillanimité «à se laisser accabler par les coups du destin ». Or, « une société, qui ne peut ou ne veut nous procurer aucun bien, perd tous ses droits sur nous; une nature qui s’obstine à rendre notre existence malheureuse nous ordonne d’en sortir; en mourant nous remplissons un de ses décrets, ainsi que nous avons fait en entrant dans la vie ». D’une part, le baron s’appuie sur sa conception fataliste de la nature dont les humains sont « des faibles jouets dans la main de la nécessité* » et dépendent « d’une cause qui les mène à leur insu ». D’autre part, il fonde son argumentation sur l’utilitarisme* qui domine le pacte social. Lorsqu’un être humain est accablé par des maux insupportables, que la nature ne peut guérir, et lorsque le lien de bien-être, qui le tient à la patrie et à ses associés, est rompu de sorte qu’il ne peut plus travailler au bonheur de la société, il est remis en liberté. Enfin « lorsque rien ne soutient plus en lui l’amour de son être, vivre est le plus grand des maux et mourir est un devoir pour qui veut s’y soustraire. »
Dans Le bonheur ou l'art d'être heureux par gros temps (Champs, Essais, 2011,p. 126-127), Jean Salem écrit: « Au XVIII ° siècle également, les phiosophes furent quelque-fois tentés de défendre la légitimité du suicide, ne serait-ce que parce que la morale chrétienne l'avait continuellement réprouvé. On peut lire e ce sens le fragment du Système de la Nature que le baron d'Holbach a consacré à cette question :
'Eh bien, de quel droit blâmer celui qui se tue par désespoir? La mort est le remède unique du désespoir; c'est le seul consolateur qui reste au malheureux; tant que l'espérance lui demeure, tant que ses maux lui paraissent supportables, tant qu'il se flatte de les voir finir un jour, tant qu'il trouve encore quelque douceur à exister, il ne consent point à se priver de la vie; mais lorsque rien ne soutient plus en lui l'amour de son être, vivre est le plus grand des maux, et mourir est un devoir pour qui veut s'y soustraire. [...] Pour qui consent à mourir, il n'est point de maux sans remèdes. » Quant au « superstitieux », sa religion lui ordonne au contraire, de continuer à gémir; il craint un Dieu druel « qui se plaît à le voir réduit au désespoir, et qui ne veut pas que l'homme ait l'audace de quitter sana son aveu le poste qui lui est assigné ». D'Holbach, Système de la nature, 1, 14, (1770), Paris, Fayard, « Corpus des oeuvres de philosophie en langue française », 1990, t. I, p. 323-324)
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