Chef du national-socialisme en 1921 et Führer de l’Allemagne dès 1934. Grâce à Gertraud Junge, sa plus jeune secrétaire, nous disposons d’un récit détaillé des derniers moments de la vie de Hitler ainsi que d’Eva Braun, avec qui il s’est marié la veille de sa mort. À la fin de la matinée du 30 avril 1945, on signalait la présence d’une colonne russe dans une rue voisine du Bunker où Hitler et ses proches collaborateurs s’étaient réfugiés. La nouvelle ne parut pas l’affecter outre mesure. Il prit son déjeuner avec ses deux secrétaires et sa cuisinière et, tout en bavardant avec elles, il semblait plus calme que d’habitude. Peu de temps après, plus voûté que jamais, il sortit de sa chambre à pas lents, aux côtés de son épouse. Celle-ci, soigneusement coiffée, avait revêtu sa robe noire, celle que le Führer préférait. Les yeux pleins de larmes, Hitler serra la main à tout le monde. Eva, un sourire triste aux lèvres, prit Gertraud dans ses bras en la priant de partir au plus tôt et de saluer Munich de sa part. Entrant dans leur salon, ils prirent place sur le divan côte à côte. Vers 15h30, ayant absorbé une capsule de poison, Eva fut la première à mourir. Puis, Hitler saisit son pistolet et, jetant un dernier regard à la photo de sa mère, porta le canon de l’arme à sa tempe droite, et appuya sur la détente. Leurs corps furent brûlés ensemble (J. Toland, Hitler, Paris, Robert Laffont, 1983).
La complexité du personnage nous empêche d’élaborer beaucoup sur le suicide de Hitler. Tout au plus peut-on le classer parmi les suicides escapistes fréquents chez les chefs politiques et militaires ayant essuyé une défaite qui affecte d’une façon décisive, non seulement leur idéologie et leur programme, mais aussi leur carrière et leur avenir. Hitler s’est identifié à la nation allemande, et à ses yeux, sa mort devient le symbole de la ruine de l’Allemagne: «Il rêva, de fait, de transformer son propre suicide en apocalypse pour toute l’Allemagne» (J. Baechler, Les suicides, p. 181). Pour son biographe Toland, le profil suicidaire de Hitler est lié à sa psychose maniaco-dépressive. Des stratégies d’attaque alternent avec des stratégies de repli, de longues tergiversations avec des décisions rapides. Pour d'autres, sa personnalité est dominée par la paranoïa qui est à l'origine de son obsession d'exerminer la race juive. Baechler* esquisse un portrait de Hitler à partir de sa passion mortelle et mortifère pour le jeu*. «Au fond, tout homme d’action est un joueur dominé par la logique du quitte ou double. Un homme comme Hitler a poussé le trait de caractère jusqu’à la caricature. Toute sa carrière semble avoir été construite selon le principe du tout ou rien. » Lors du putsch de la Brasserie, en 1923, il annonce que s’il échoue, la dernière balle de son pistolet sera pour lui. A Landsberg, en prison, il entame une grève de la faim. En 1932, il réaffirme sa volonté de se tuer, si Strasser fait éclater le parti, en 1933, s’il n’est pas nommé chancelier, en 1936, si l’occupation de la Rhénanie échoue. On sait qu’il finira effectivement par se tuer, lorsque la défaite lui sera apparue consommée. « Prises isolément, certaines menaces peuvent ressembler à du chantage. L’accumulation des défis leur donne une résonance toute différente: c’est la psychologie typique du joueur qui, s’il échoue, n’a plus aucune position de repli et peut estimer que le jugement des dieux ou de l’histoire est prononcé contre lui. On sait que Napoléon aussi, à des moments cruciaux de sa carrière, a eu des gestes suicidaires caractérisés. Tout se passe comme si, plus ou moins consciemment, ces hommes avaient visé un enjeu infini, dont la seule mise équivalente était leur propre vie: ou je gagne tout ou je perds tout, il n’y a pas de moyen terme» (p. 244).
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