Écrivain japonais, auteur de nouvelles et de romans, né le 19 juin 1909. Il publie, «dans un sursis de deux ou trois ans, ses plus beaux récits, La femme de Villon, Soleil couchant, La déchéance d’un homme, avant de se jeter à l’eau le 13 juin 1948. En se faisant le symptôme de son temps, en s’abandonnant au courant, en mettant son propre désespoir à l’unisson du sentiment général, il réussit à douer son œuvre d’une profondeur, d’une résonance inégalables. Jamais ne se refléta mieux qu’en son ciel intérieur la ténèbre du cœur découragé, et la lueur de la tendresse offerte» (M. Pinguet, La mort volontaire au Japon, p. 296).
Dazai semble avoir eu la vocation suicidaire. Il est célèbre par le nombre de ses tentatives de suicide* avortées. À sa première tentative, en 1929, il avait vingt ans. La veille d’un examen, il avala des comprimés et resta toute une journée dans le coma. En 1930, il fit la rencontre de Bar, fille fatiguée de vivre, et se rendit avec elle au bord de la mer, près de Enoshima. Ils prirent ensemble des somnifères. On le sauva encore une fois, mais sa compagne périt. En 1935, lorsqu’un grand journal lui refusa un emploi, il se rendit dans les collines de Kamakura et se pendit à un arbre. La corde cassa. En 1937, il médita de se tuer, cette fois en présence d’une ancienne geisha consentante qu’il avait épousée furtivement malgré l’opposition de sa famille et qu’il abandonnera bientôt. «Une veuve de guerre, coiffeuse de son métier, s’éprit de lui en 1948. Est-ce d’elle que vint l’initiative? Le sentiment de solidarité dans le désarroi qui traverse ses récits l’entraîna peut-être à se dévouer — ou bien voulut-il encore une fois s’aider d’une compagne indulgente à mourir?
Tous les deux, sans doute après avoir bu, s’en allèrent errer en lointaine banlieue, par une nuit tiède et boueuse, jusqu’aux berges d’un étroit canal d’adduction gonflé par la saison des pluies. C’est là qu’on les retrouva noyés, quelques jours plus tard» (p. 298). Comme l’écrit Pinguet, «la fascination de l’échec* ne le lâchait pas, il gaspillait ses dons, incapable de rien faire de sa vie […]. Si Dazai se distingue, c’est par l’intensité du gâchis: les dettes, les femmes, l’alcool, bientôt la tuberculose qu’il soigne en buvant toute la pharmacopée dont il se drogue, comme une litanie de dieux barbares…» (p. 297). En ce qui concerne la culpabilité*, qui semble avoir marqué Dazai et plusieurs de ses compatriotes contemporains, voici une phrase significative à bien des égards: «Pardonnez-moi d’être né.»
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