«Le périple intellectuel de Jean Pic de la Mirandole» : réflexions à la suite d’un symposium consacré à l’ouvrage
Brèves réflexions de Louis Valcke à la suite d’un symposium organisé en 1996 sur son ouvrage paru deux ans plus tôt. Tirées d’une lettre adressé au professeur Danièle Letocha, de l’Université d’Ottawa, organisatrice de l’événement (8 juin 1996).
Chère Collègue,
Monsieur Roland Galibois se joint à moi pour vous réitérer nos remerciements les meilleurs pour l'initiative que vous avez prise, et menée à bien, d'organiser un symposium au sujet de notre Périple...
Les débats, en général, étaient de très haute tenue, les critiques (sauf celle de M. Morin, qui avec sa centaine de pages m'a malheureusement fait perdre un temps précieux!) étaient fort bien construites et, avec toute la civilité qui convient, ne faisaient aucune concession vaine. D'où l'intérêt que prit l’assistance, qui nous amena à prolonger la discussion de près d'une heure au-delà du temps prévu, malgré la réception qui nous attendait.
Pour en revenir à votre texte, je tiens à souligner que je n'ai jamais prétendu que votre excellent article paru dans Carrefour ait péché par circularité, mais je continue de croire que vous n'auriez pas dû faire appel à Pic pour appuyer votre argumentation: c'était le seul point sur lequel ma note 24 voulait attirer l'attention.
Par ailleurs, en apportant les nuances nécessaires à la formulation dont vous dites vous-même qu'elle est polémique, je vous concède bien volontiers que je serais en effet assez enclin à soutenir les deux propositions de vos pages 7 et 8, par lesquelles vous souligner notre désaccord quant à notre interprétation de la pensée de Jean Pic. Je voudrais cependant vous faire remarquer que j'écris (p. 86):
« Les lois du genre, en effet, interdisent qu'on prenne ce discours littéraire au pied de la lettre, et c'est précisément l’oubli de cette précaution élémentaire qui fut à l'origine de la plupart des mythes interprétatifs dont Pic fut victime.
Cependant, s'il ne faut pas la prendre à la lettre, l'Oratio n'en est pas moins une oeuvre qu'il faut prendre au sérieux, car telle également est la loi du genre. Pic, ici, écrit en humaniste, et les humanistes, on le sait, tendaíent à unifier rhétorique et philosophie.
Cela, vous en conviendrez, est assez loin de ce que vous me faites dire en cette même p. 8: « Rien ne doit être pris à la lettre dans les quelques écrits humanistes de Pic et, inversement, tout doit être pris au sérieux dans le style rigoureux et sobre de ses traités »...
D'autre part, je ne vous cache pas avoir éprouvé quelque malin plaisir à entendre la critique du Prof. Schroeder, qui voit en Pic un auteur d'autant moins moderne ou «pré-moderne», qu'il le rattache, citations à l'appui, à Plotin. Et de fait, plus encore que je ne le pensais, Pic, dans l'Oratio, «joue le jeu» de l'humanisme néoplatonicien. Mais je suis aussi de plus en plus persuadé qu’il ne s’agissait là, pour lui, que d'une sorte de «jeu sérieux».
Quoiqu'il en soit, veuillez, chère Danièle, après ce très intéressant débat et sans que nous parvenions à un accord quant au fond, accepter, avec nos remerciements réitérés, l’expression de mes sentiments les meilleurs.