La troisième ère des Jeux olympiques: vers le sport durable
La Chine a plutôt choisi de mettre en relief les plus modernes de ses inventions: la boussole, la poudre à canon, la soie, rejetant ainsi dans l'ombre ses traditions les plus riches où le reste du monde aurait pu trouver l'inspiration nécessaire pour élever les Jeux à un niveau auquel l'invite aussi bien le passé lointain que l'avenir souhaitable. J'entends par là une histoire évoluant sous le signe du développement durable, lequel, c'est la thèse que je défends dans ce court article, ne sera possible que si le sport et en particulier le sport olympique, se transforme d'une façon telle qu'on puisse l'appeler sport durable sans forcer le sens de ce mot.
Quiconque prend le développement durable au sérieux a tôt fait de comprendre qu'il s'agit d'un phénomène global mettant en cause non seulement l'ensemble des activités humaines mais aussi la nature et par suite l'univers entier. Si tous les humains se convertissaient demain à une religion les obligeant à ne manger que des aliments produits à moins de 50 kilomètres de chez eux, il en résulterait des changements majeurs dans les secteurs de l'économie, de l'agriculture et de la gastronomie. Et il va se soi que l'impact de l'activité humaine sur l'environnement et donc l'environnement lui-même seraient modifiés. Un changement de même ampleur dans le travail ou le sport aurait le même effet.
Voilà pourquoi l'approche systémique s'est imposée dans la recherche sur le développement durable. Rappelons qu'un système est un réseau dont tous les éléments agissent les uns sur les autres. On appelle causalité réticulaire – par opposition à causalité linéaire – les rapports complexes qu'entretiennent entre eux les éléments constitutifs du réseau. La notion de système écologico-social ou SES (socio-ecological system en anglais) semble devoir s'imposer comme unité d'analyse dans la recherche sur le développement durable. «Un SES est un système composé d'un sous-système social (humain) et d'un sous-système écologique (biophysique) en interaction mutuelle.» Une ville est un SES.
Le sport est-il un SES ou un sous-système à l'intérieur d'un SES plus vaste? Nous pouvons, sans avoir à répondre à cette question théorique, affirmer que tout changement radical ne pourrait qu'avoir des effets majeurs sur divers SES. Il va aussi de soi à nos yeux que tout changement radical dans le sport serait l'une des conditions d'un déblocage dans le progrès vers le développement durable. Car il est entravé par un mécanisme de déni entretenant l'illusion qu'il suffira de quelques gestes ponctuels dans le domaine de l'énergie pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et retarder ainsi le réchauffement climatique. Or, c'est l'inverse qui est vrai: les gestes en vue de limiter les émissions de gaz à effet de serre ne seront efficaces que dans la mesure où ils seront soutenus par des changements majeurs dans les domaines les plus éloignés de celui de l'énergie. Comme on peut déjà le constater, c'est un changement dans les habitudes alimentaires, un raffinement du goût qui incite d'abord les gens à rechercher les aliments produits dans leur voisinage. Il en résulte une économie considérable d'énergie. Une changement analogue dans le sport, changement déjà perceptible d'ailleurs à l'état d'ébauche, aura les mêmes effets.
Nous vous invitons à lire les nombreux documents que nous consacrons à ce sujet dans nos encyclopédies.
Le sport
Les Jeux olympiques
Le sport durable
Ces documents convergent vers un changement de notre rapport avec la nature, indissociable d'un changement en écho dans notre rapport avec nous-mêmes et d'un autre changement dans notre conception du travail. Trop d'entreprises, dont l'une d'entre elles est commanditaire des Jeux de Beijing à la télévision, brûle leurs employés, leurs cadres en particulier pour accroître le rendement dans l'immédiat, exactement comme tant d'athlètes sacrifient leur harmonie intérieure et leur harmonie avec la nature à l'ambition de monter sur un podium. On brise cette harmonie en réduisant le corps à un instrument au service d'une volonté sans failles, au détriment du désir et du corps comme signe, au détriment également d'une symbiose avec la nature et avec le sacré qui, comme le soulignait Nicolas Zuffery, caractérisait jusqu'à tout récemment la conception du sport en Chine!