Otto Weininger, né à Vienne en 1880, étudiant de la faculté de philosophie de l’université de Vienne depuis 1898, il défend sa thèse en 1902. Juif de naissance, il se convertit au christianisme la même année. Son œuvre maîtresse Sexe et caractère (Paris, L’âge d’homme, 1989) a été publié pour la première fois en 1903. En prolongement de sa thèse en philosophie, elle est une vaste tentative d’intégrer les divers courants de la pensée, nourris de Schopenhauer*, Nietzsche* et Wagner, figures de proue dans lesquelles tout le début du siècle viennois se reconnaît aisément. À la fois néokantien et néoromantique, le jeune Otto, en savant rigoureux, présente une étude austère sur les rapports entre biologie et psychologie. Les contradictions s’y affrontent pour créer une pensée paradoxale. Peu après la parution de son livre, il porte en 1903, à vingt-trois ans, sa main sur lui avec une arme à feu*, dans la maison même où Beethoven connut la mort, celui qu’il exalta comme un des plus grands génies de tous les temps.
Cette mort, aussi spectaculaire que tragique, ajoute à la popularité de son livre, déjà très lu et fort controversé à cause de ses positions insolites et provocatrices notamment au sujet des femmes* et des juifs. En effet, d’après l’auteur, tout être humain porte en lui un élément masculin (actif, logique, éthique, spirituel) et un élément féminin (passif, alogique, amoral et areligieux), tandis que l’archétype du juif est féminin, avec tous les attributs qui, dans son esprit, y sont associés. Ces modèles culturels de la femme et du juif, présentés dans un langage offensif et hardi, se prêtent aisément à des accusations d’antiféminisme et d’antisémitisme qui fuseront bientôt sur lui (J. Le Rider, Le cas Otto Weininger: racines de l’antiféminisme et de l’antisémitisme, Paris, PUF, «Perspectives critiques», 1982). W. Fliess, proche de Freud*, accuse Weininger de plagiat en ce qui concerne ses conceptions de la bisexualité et de la périodicité psychique. En revanche, le dramaturge suédois August Strindberg estime qu’Otto a résolu probablement «un problème des plus difficiles», celui de la femme. Comme étudiant, Ludwig Wittgenstein* fut très impressionné par la lecture de cette œuvre et n’hésita pas à la recommander à ses camarades. Weininger, pour qui la logique et l’éthique* sont fondamentalement identiques et ne proposent que le devoir envers soi, anticipe en quelque sorte la pensée de Wittgenstein. Il en est de même pour son concept de la décadence du monde occidental qui impose à chacun le devoir de parfaire son propre génie. Livres de poche et lettres à un ami (Paris, Rivages, «Rivages-Poche», 2005), outre des lettres à un ami, rassemble des notes et des aphorismes d’Otto dont l’excentricité et le non-conformisme enchantent les uns et déplaisent aux autres.