L'Encyclopédie sur la mort


Talmud

 

Un des ouvrages importants du judaïsme, le Talmud, mot hébreu qui signifie «étude», est une compilation de commentaires sur la loi mosaïque. Le Talmud relève trois situations où il vaut mieux se suicider que de transgresser la loi. Mieux vaut mourir de sa propre main que pratiquer l’idolâtrie, commettre un meurtre (sauf en cas de légitime défense, pour empêcher un viol ou empêcher quelqu’un de tuer une tierce personne) ou se livrer à des déviations sexuelles. La mort volontaire est souhaitable afin d’éviter de perpétrer un crime*. «La première législation concernant le suicide n’apparaîtra que dans le traité Sémahôt, connu sous le nom de Èvél Rabbatî (“Grand deuil”). Ce traité sera repris et actualisé par le Shulhan ‘Arouk, la plus grande codification juive du xvie siècle, et qui sert encore de nos jours de code de lois aussi bien pour les Séfarades que les Ashkénazes. C’est donc dans ce traité talmudique qu’il sera spécifié pour la première fois qu’on ne doit effectuer aucun rituel en l’honneur des suicidés, mais que l’on doit respecter ceux qui concernent les personnes en deuil. Les raisons invoquées contre le suicide sont fondées sur la foi au Dieu Créateur, la vie étant donnée par Dieu, l’être humain n’a pas le droit d’en disposer à sa guise. Par contre, […] on distingue, de nos jours, le cas du suicide effectué par égarement (‘ibéd ‘açemô shel’o lâda’at) de celui qui est effectué en toute conscience (‘ibéd ‘açemô lâda’at). C’est pourquoi, dit-on, une personne insensée, même pour un seul moment, ne peut être tenue coupable de son acte. De même, aucune culpabilité n’est reconnue à l’enfant de moins de treize ans qui se suicide. Certains rabbins stipulent également qu’on ne jugera pas une personne comme suicidée quand on estimera qu’il n’y a pas eu, à l’origine de sa mort, acte volontaire. Du même souffle, ils affirment que, si une personne désire se suicider, on ne tiendra pas compte de ses intentions suicidaires, si on la trouve morte par la suite; même si une lettre nous indique sa volonté de mourir» (J.-J. Lavoie, «Peut-on parler d’une obligation absolue de vivre?» Frontières, vol. 12, no 1, 1999, p. 20).

D’autres auteurs de la littérature juive ancienne traitent du suicide sans toutefois le condamner. Il en est ainsi du suicide collectif* de Juifs pieux sous la tyrannie de Caligula (Philon d’Alexandrie, Legatio ad Caium, Paris, Cerf, 1972, p. 243). Flavius Josèphe, historien juif, décrit un suicide familial sous le règne d’Antoine et le suicide collectif des défenseurs de la forteresse de Massada, sur la rive occidentale de la mer Morte (La guerre des Juifs, Paris, Auguste Desrez, 1836, p. 554, I, 309-313, et VII, 320). Le Talmud de Babylone rapporte le suicide des prêtres lors de la destruction du second temple de Jérusalem. «Ces textes n’affirment-ils pas, à leur façon, que c’est non pas la vie, mais la liberté qui se sait essentiellement rapportée à autrui et à l’Autre, qui est le bien humain suprême?» (J.-J. Lavoie, art. cité, p. 19).

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-13