L'Encyclopédie sur la mort


Ruban Françoise

Françoise Ruban est née en Bourgogne (France). Son père cheminot, sa mère employée, ses racines paysannes et ouvrières, n'auraient jamais dû, en ces années d'après-guerre, la conduire à des études universitaires. Mais l'amour et la générosité sans bornes de son parrain, modifièrent un destin déjà tracé. Une scolarité ouverte sur la vie et le monde, au Lycée de Montgeron, lycée-pilote fondé par Alfred Weiler, dans l'immédiat après-guerre. Un homme exceptionnel et des professeurs à son image. Puis, une année d' hypokhâgne au Lycée Fénelon (Paris), une licence de Lettres à la Sorbonne. C'est alors que Françoise Ruban se passionna pour la littérature russe, la poésie... Elle découvrit aussi le cinéma d'Art et essai, le jazz, les petits bistros où l'on refaisait le monde ! Le Quartier Latin, fascinant et riche de découvertes et de rencontres, l'amena plus d'une fois à sécher les cours ! Par nécessité, puis par choix et conviction forte, elle devint professeur de Lettres en lycée professionnel, heureuse de transmettre sa passion à des jeunes gens issus de milieu modeste et souvent en difficulté. Le goût de la lecture, de l'écriture, de l'Art, ne l'a jamais quittée. En 2009, le décès injuste, cruel, inacceptable, de son fils Fabrice, renforça en elle l'amour de la poésie. Comme une porte ouverte sur une seconde vie.

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Ces poèmes sont dédiés à mon fils Fabrice

Remerciements à :


Mon parrain, mes parents

Madame Peyraud, mon institutrice en classe unique
Monsieur Alfred Weiler, fondateur du Lycée mixte de Montgeron
Mes professeurs si exceptionnels

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Brouillard endeuillé

Ce matin de novembre
S'est lourdement abattu
Sur mon âme
Un drap de cendre plombée
Chagrin comme en exil
Yeux levés vers le ciel
Je cherche une respiration
un souffle   un espoir
 
De fines gouttelettes glacées
déposent ce pesant linceul
 L'herbe humide gèle mon sang
Mon corps appelle le feu
la braise brûlante
 
- Cherche mon amie...
Elles sont là ces minuscules lueurs de flammes
au travers de ta prison de brouillard
Il suffirait d'une lumière
Quelques rayons sous tes paupières
pour que s'embrasent les couleurs d'automne...
 
- J'y vois des taches de sang
Ma pensée mélancolique vire au cauchemar
 
ILS ont assassiné à Gaza
ILS ont assassiné en Grèce
Inlassablement se déroule le film    

de  tant de mises à mort
Hier   avant-hier peut-être
Contre Federico Garcia Lorca
les couteaux se sont aiguisés
Contre Victor Jara
la hache s'est levée
Les balles en rafales meurtrières
ont sifflé
Vous fûtes humiliés mutilés
 
Assassinés
 
Pablo Neruda
Salvador Allende...
Vos rêves brisés
Vos espoirs piétinés
Vos cris se sont tus
 
Le Silence
 
est tombé
 
Ce matin
Nature immuable
tu prends le deuil
ta beauté drapée de cendre pétrifiée
tu me refuses un abri
Sous cette énorme nappe écrasée
sur ma bouche
sur mon coeur
Tu m'ensserres m'enfermes m'oppresses
 
J'étouffe
 
Enfants suicidés
Femmes immolées lapidées
Vies brisées ensanglantées
Avenirs sacrifiés
 
Mon enfant mon amour
Douleur et colère m'égarent
Sur la dalle de granit
Mes larmes seront à jamais mêlées
Aux larmes inépuisables
De toutes ces mères
Qui pleurent
Leur enfant
 
Mort
 
le 16 novembre 2012
© Tous droits réservés
Protégé par copyright

 *****

Eros et Thanatos *

Une dalle de granit
Sur laquelle j'aime me reposer
Quelques plantes déposées par l'Amour
Pour l'immortalité de ton séjour
Pour que tu n'oublies pas
Notre jardin sauvage véritable labyrinthe où tu te promenais
Absorbé et pensif
Une flore à la main
En quête à cet instant de ta vie
Du mystère des fleurs
 
Mes yeux s'enfuient au loin dans un brouillard profond
Et soudain se dessinent
Ton regard clair
Tes cheveux bouclés
Ton sourire tendre et malicieux
Dis-moi est-ce Toi
Qui m'envoies
Cette énergie de Vie
Ces désirs nouveaux
Ces mots qui s'échappent presque incontrôlés de mon âme
Comme une flamme qui jamais ne me brûle
Mais n'en finit pas de danser
Au rythme du piano retrouvé
Au rythme des marées
Au rythme des mots des mots qui jaillissent
Et se posent ici
A l'orée de mes nuits étoilées
 
La rumeur océane toute proche
Berce ton sommeil
Sur le sable mouillé tes traces embrassent mes pas
Ta Voix murmure et...
Un matin de novembre une autre Voix s'est mêlée
A ta Voix
 
Dis-moi est-ce Toi
Qui m'envoies cette lueur d'espoir
Ces frissons ces désirs qui m'envahissent
Chaque soir
Douceur d'un Amour qui jamais encore
Ne s'était révélé
Ou j'avais oublié
Ou je le refusais...
Antigone la rebelle avait renoncé
Devant la loi des Hommes
Elle avait abdiqué
Elle s'était recroquevillée
Créon trois fois vainqueur souriait de la voir pleurer
 
Une dalle de granit
Sur laquelle j'aime me reposer
Et bavarder avec Toi
 
©  F.R
le 28 mars 2012
 Copyright numéro 00051139-1 

Françoise Ruban

Ton empreinte

Quelques pas dans le jardin ont suffi
Mon regard s'attarde
Sur des roses oubliées abandonnées
Les arbres nus dépouillés élancent vers le ciel blanc
leurs ramures décharnées
De rares feuilles s'agitent sous le souffle léger
 
Mon coeur s'envole s'envole...
 
C'était un soir d'été
Autour de la table de pierre
Tes cheveux bouclés tes yeux clairs au sourire malicieux
Nous étions tous réunis le vin un nectar
qui faisait pétiller les yeux et les paroles
La pénombre nous enveloppait à la lueur vacillante de la flamme
aux senteurs de citronnelle
Les îlots odorants et fluorescents de l'onagre
-nous l'appelions belle de nuit -
Les rires les paroles éclaboussaient le silence
Nous inventions des utopies
et refaisions le monde...
 
Solitaire ce matin j'interroge le ciel laiteux
Impassible et sourd
Et comme chaque jour depuis trois longues années
Je me plais à rêver
Et si tout là-haut dans cette immensité infiniment mystérieuse
Un petit prince
Aux yeux rieurs
Aux boucles blondes
Guettait mes promenades matinales...
 
 
Par une nuit claire
Scrutant la voûte étoilée
Percevrai-je moi aussi le rire cristallin d'une étoile
Mon Etoile
la plus lumineuse de toutes ..
 
©   F. R
jeudi 19 janvier 2012

Copyright numéro 00051139-1

*****

Supplique au Gingko

Je t'ai enlacé
J'ai posé sur ta peau rugueuse et crevassée
 Ma paume fébrile balbutiante
 Dans la moiteur angoissée de l'attente
 
Une prière païenne s'échappe de mes lèvres...
 
Gingko
Arbre sacré
Arbre millénaire
Gingko
Toi qu'épargna
A Hiroshima
Le feu nucléaire
Gingko
Ecoute ma supplique
 
Ton coeur-sève a frémi
S'est un instant échappé du profond de ta chair
Battement régulier imperceptible
Au tempo de sablier
Très vite accéléré
Tu m'offrais ta force vitale
   et ton souffle puissant torrent insoupçonné
Tu écoutais ma prière murmurée
Aux émotions hurlées
- enfin je le croyais...
 
Des bruissements pétillent en mon sang
Vague de chaleur nourricière
Se faufilant jusqu'à l'orée de mon âme
Avide de consolantes caresses
 
Gingko
Je te prie
Prends soin de Lui
Accorde-lui espérance et guérison
Infime parcelle de ton Eternité
Dans l'infini Chaos de la nuit des temps
Gingko
Tes bras dressés vers le Ciel
   Implore le Cosmos tout puissant
Récite aux nuages blancs
     

vierges des cruautés humaines
 
Ma triste prière païenne...
 
Je t'embrassais t'enserrais presque religieusement
Géant vénérable et adoré
Nouant mes bras
Autour de ton torse invulnérable
T'offrant ma poitrine gonflée d' Amour
Mes lèvres se posaient alors
Délicat baiser
Sur tes veines éclatées d'où jaillissait
Une onde brûlante et bienveillante
 
Chaque jour
Mes pas alourdis de douleur
Me guidaient vers cet autel
Seul et unique refuge
  Dernier rempart
  Contre
  La Mort
  Implacable
 
En marche....
 

©  F.R
  le 21 juin 2012

tous droits réservés

*****
 
Vivre... ton héritage

De ses parents on hérite  qualités ou défauts
Certaines valeurs parfois
Mon coeur me dit
Que j'hérite de toi
Mon fils
Depuis qu'un janvier glacé t'a emmené loin
      là-bas... là-haut
     Où... je ne sais pas
     Au sein d'une Etoile
 
Nos passions se ressemblaient
Nos impulsions se heurtaient
Nos mots s'échangeaient
Au profond de la nuit
devant la cheminée aux flammes incandescentes
qui réchauffaient les longues soirées d'hiver
Au coeur de l'été flamboyant
nous étions réunis autour de l'immense table
dans le jardin parfumé
   Senteurs de basilic de romarin de chèvrefeuille
      parsemés
                   ici
                        et là
 
Le gouffre de l' Eternité t'a happé
Et ton départ
brusquement
a tout cassé
tout brisé
éparpillé
    A jamais
 
J'ai noirci des pages et des pages
J'ai rassemblé tes photos tes écrits mais
Tout
  était
  figé...
Froid
Dénué de sens
Choc
Stupeur
Colère
 
Et puis un  matin de brume pâle
C'était en septembre
Le piano est apparu
Psaume ou Sonate montaient
Vers toi
Me venaient de toi
De Toi
Mon fils
Mon fils...musicien  poète  philosophe
Amoureux de la Vie de la Beauté
Toi dont la route fut quête inassouvie
Perpétuelle
Vers ce Graal aux visages flous
indéfinis multiples exigeants et
  Toujours
  Passionnés
Vers ce Rivage
  inaccessible
       que tu entrevis
Terre Sainte
Ô Jérusalem...
 
Je le sais
En mon âme tu vivais
En mon coeur tu chantais
En ma vie tu mêlais tes pas
Car l' Amour
jamais
ne meurt
Tout devenait signe
Ton sang nourri de passions
Parfois folles impétueuses et brûlantes
S'est soudain mêlé au sang glacé de mes veines
Mince filet de sève
Très vite torrent
    effréné
            fougueux
L'enfant nourrissait sa propre mère
 
Je t'entends
dans les notes égrenées maladroites
Je t' 'entends
dans ces mots déposés ici
sur les mystères d'un écran vierge
 
Je t' entends
quand rugit
puis me caresse tendrement doucement
l'Océan
  cet Infini
  Où
  Tu
  Vis
 
©   F.R
  le 3 juin 2012

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Date de création:2013-01-12 | Date de modification:2013-01-12

Notes

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