L'Encyclopédie sur la mort


Reverdy Pierre

Modigliani Amedeo. (1884-1920)Pierre Reverdy, né à Narbonne, (Aude) le 11 septembre 1889 «de parents inconnus» et décédé à l'Abbaye de Solesmes le 17 juin 1960, fut un poète et essayiste, précurseur du surréalisme et proche associé du cubisme. Après des études non complétées au Languedoc, il s'établit à Paris en 1910. À Montmartre au Bateau-Lavoir, il se lia à plusieurs peintres et poètes dont Pablo Picasso, André Breton et Guillaume Apollinaire*. Dès 1926, il se retira dans la Sarthe, près de l'abbaye de Solesmes, pour se livrer à un «dialogue secret» avec Dieu. Dans «cet affreux village où il fait toujours froid», il demeurera jusqu'à sa mort. Là, il regroupera ses poèmes écrits entre 1915 et 1922 dans Plupart du temps et composera ses plus beaux recueils de poésie mystique: Sources du vent (1929), Ferraille (1937), Le Chant des morts (1944-1948). Ce dernier recueil fut illustré par des dessins de son «cher ami» Picasso, qu'il a en haute estime et dont il écrit: «cet homme qui fut en son meilleur moment l'homme marqué, l'arbre à abattre - et qui a si bien su rester debout» («Un oeil de lumière et de nuit» paru dans Le Point, XLII, octobre 1952). D'autres de ces oeuvres ont été illustrées par des peintres cubistes : Au soleil du plafond (1955) par Juan Gris et Recueil de poèmes (1960) par Georges Braque.

On l'aurait appelé parfois le «Pascal*» des surréalistes et il se serait accommodé fort bien de cette dénomination à cause de l'austérité de sa vie, de son expérience religieuse, de son mépris du monde et de soi, de la sensibilité de sa raison et de ses hautes exigences artistiques. Il mit la barre si élevée pour les autres, mais surtout pour lui-même de sorte qu'il sombra dans un sentiment d'impuissance face à son oeuvre. Son écriture se révèle une recherche, toujours hésitante et pleine de nuances, de la nature des choses. À l'instar de Kierkegaard*, il fut en quête de l'immanence de l'éternité dans le présent. Dans Note éternelle du présent, volume XIV de ses Oeuvres Complètes, éditées par Gallimard, qui rassemble ses Écrits sur l'art (1923-1960), nous lisons:

«L'excès de la sensibilité, la généreuse surabondance des sensations et des émotions étouffantes, le besoin de communiquer à autrui, pour se décharger, le trop-plein de jouissances ou de souffrances que procure une sensibilité exagérément perceptive et réceptive à celui qui en est doué ou affligé, voilà la plus profonde et la plus légitime raison d'être de l'artiste, la nécessité de son affirmations.

C'est pourquoi on demande qu'une oeuvre nous voile et nous révèle à la fois la présence, derrière elle, de celui qui l'a créée. Car ce qui gagne le plus à rester hautement humain dans l'art, ne l'oublions pas, c'est l'artiste.

[...]

De l'oeuvre à nous, le débordement ne doit avoir lieu que par le plus haut.

Un art tendre et facile touche très vite le commun puis se flétrit. Un art dur qui dissimule une authentique sensibilité artistique ne livre son secret que bien plus tard - et vit.

Les oeuvres vivent à travers toutes les époques qui trouvent à tirer quelque chose d'elles. Il ne faut pas qu'elles donnent tout d'un seul coup sous peine de se vider, d'épuiser toutes leurs réserves de vie.» (op. cit., p. 14-15 et p.19)

Dans le monde créé par Reverdy, des êtres «circulent dans un univers sans réalité car hanté par la présence d'un Autre essentiel et inaccessible; recherchant une plénitude, ils ne rencontrent que des traces. L'espace et le temps sont toujours menacés de s'abîmer dans le vide. Les objets-signes renvoient à l'idée de voyage (chemin), d'obstacle (mur), de passage (porte, fenêtre), d'envol ou de chute, cependant que les formes circulaires (qui renvoient à l'espace-temps qu'est l'horloge) accompagnent une être prisonnier de l'errance.» (Henri Mitterand (dir.), Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française, Paris, Robert, «Les Usuels», 1992, p.36)

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Portrait de Pierre Reverdy par Amadeo Modigliani

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

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