L'Encyclopédie sur la mort


Portraits du Fayoum

LouvresLes Portraits du Fayoum, région près du Caire et longée par le Nil avant que celui-ci ne se jette dans la Méditerranée, sont des plus anciens portraits peints qui subsistent. Ils datent du premier au quatrième siècle après Jésus-Christ. Ils ont été peints par des Grecs établis en Égypte*alors sous domination romaine. Ils ont été découverts par Pietro della Valle, un voyageur italien du dix-septième siècle lorsque à Saqqarah, un jeune homme lui présenta deux momies ornées de ces portraits qui deviendront célèbres. En 1888, W. M. Flinders Petrie, archéologue anglais, découvre à Arsinoe, ville du Fayoum, un cimetière romain et de nombreux portraits peints. De 1896 à 1911, le français Albert Jean Gayet exhume à son tour de nombreux portraits peints du site d'Antinoupolis dont un double portrait de deux frères figurera à l'Exposition Universelle de 1900. En France, Le Louvre possède une vingtaine de ces portraits. Le musée des Beaux-Arts de Dijon en expose cinq autres. Ces effigies sont des portraits authentiques de membres des classes de la bourgeoisie urbaine, originaires de Grèce, de Rome et tous les pays méditerranéens: marchands, militaires, enseignants, prêtres, athlètes, jeunes femmes et enfants. Elles étaient peintes sur des plaquettes de bois ou sur des toiles de lin, destinées à être insérées dans des bandelettes entourant le visage de la momie et sur lesquelles on a trouvé parfois des épitaphes: Hermione l'institutrice; Dèmos, âgée de vingt quatre ans, souvenir éternel; Alinè, appelée aussi Tênos, fille d'Hérodès, excellente; Salutations répétées. («Les portraits du Fayoum», http://laboiteaimages.hautefort.com/archives/ le 18 mai 2005)

Ces portraits ont rempli une double fonction picturale: d'abord, ils ont servi comme pièce d'identité «à l'usage des morts entreprenant en compagnie d'Anubis*, le dieu à tête de chacal, leur voyage vers le royaume d'Osiris; ensuite, et pendant une courte périodes, ils ont tenu lieu de souvenir des morts à l'usage de la famille. Il fallait soixante-dix jours pour embaumer un corps, et il arrivait qu'après ce délai on gardât un certain temps, appuyé contre un mur de la maison, ce membre de la famille qu'était la momie, avant de la placer dans la nécropole.» (John Berger, « Les énigmatiques portraits du Fayoum», traduit par Michel Fuchs dans Le Monde diplomatique, Archives, janvier 1999)

John Berger, écrivain et peintre britannique se dit inspiré par le livre de Jean-Christophe Bailly (L’Apostrophe muette : essais sur les portraits du Fayoum, Paris, Hazan, 1998) dans son interprétation des portraits: «Ils représentent des hommes, des femmes et des enfants vus de face ou de trois quarts. [...] Alors que nous leur faisons face, nous éprouvons encore quelque chose de l’imprévu de cette pose : on dirait que les personnes représentées viennent de s’avancer timidement à notre rencontre. [...] C’étaient des images destinées à être enterrées, sans la moindre possibilité d’être vues à l’avenir. [...] Ce qui veut dire qu’il existait un rapport très particulier entre le peintre et la personne qui posait devant lui. [...] Ces deux personnes, alors en vie l’une et l’autre, collaboraient à la tâche de se préparer à la mort, tâche devant assurer la survie. Peindre, c’était nommer et être nommé, c’était la garantie de cette continuité.» Le peintre «se soumet au regard de la personne qui pose et pour qui il fait office de peintre de la mort ou, plus précisément peut-être, de peintre de l’Éternité. Et le regard de ceux qui posent, et auquel il se soumet, s’adresse à lui à la deuxième personne du singulier.»

Nous sommes devant «des images d’hommes et de femmes qui ne lancent aucun appel, qui ne demandent rien, mais qui déclarent qu’ils sont en vie et que toute personne qui les regarde l’est aussi ! Ces visages incarnent, dans toute leur fragilité, un respect de soi oublié. Ils confirment, envers et contre tout, que la vie était, et demeure, un don. Ces visages anciens nous sont d'autant plus précieux que leur regard peint est tout entier concentré sur cette vie» dont il sait pourtant qu’il va la perdre un jour.

Au sujet de la province du Fayoum, Gérard de Nerval* écrit: «la province du Fayoum, oasis délicieuse, qui, aujourd'hui encore, est la pays des roses. Il existait là une vallée profonde, entourée de montagnes en partie, en partie aussi séparée du reste du pays par des abîmes creusés de main d'homme, où les prêtres avaient su réunir les richesses dispersées de la nature entière. Les arbres de l'Inde et de l'Yémen y mariaient leurs feuillages touffus et leurs fleurs étranges aux plus riches végétations de la terre d'Égypte.» (Voyage en Orient, Paris, Gallimard, Folio classique, 1998, p.307)

IMAGE
Trois portraits
1 et 3 au Louvre
http://nelly-charbonneaux.blogspot.com/2009/03/portraits-du-fayoum.html

© Éric Volant

tous droits réservés

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-06-29

Notes

 

Documents associés