L'Encyclopédie sur la mort


Pascal Blaise

Blaise Pascal
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Pascal (1623-1662), philosphe ou théologien de la finitude*, saisit l'opportunité d'aborder la question de l'immortalité de l'âme* dans le contexte de sa réflexion sur «la nécessité du pari». Il débute son argumentation en montrant que la religion* n'est pas contraire à la raison. Dieu, qui dispose de toutes choses avec douceur, ne met pas par la force la religion dans l'esprit et le coeur des humains. Il est un Deus absconditus, un Dieu qui se cache et se fait désirer, un Dieu qui fait que je souhaite son existence pour mon plus grand intérêt, celui de ma survie:

«L'immortalité de l'âme* est une chose qui nous importe si fort, et qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non [...] Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet...»

Ou Dieu existe ou il n'existe pas. L'âme est mortelle ou immortelle. Tout ce que je sais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j'ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter. Je ne sais pas d'où je viens, ni où je vais. En sortant de ce monde je tombe pour jamais ou dans le néant ou dans les mains de Dieu.

«Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédant et suivant le petit espace que je remplis et même que je vois, abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent, je m'effraie et m'étonne de me voir ici plutôt que là, car il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m'y a mis? Par l'ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi?»

L'incertitude et le doute s'emparent de moi. Il me faut choisir, gager et parier. Il faut peser le gain et la perte. Si Dieu existe et si l'âme est immortelle, je gagne tout. Si Dieu n'existe pas et si l'âme est mortelle, je ne perds rien. En effet, j'ai tout à gagner en pariant sur Dieu, car Pascal, celui que Voltaire*appelle «le misanthrope sublime», montre la vanité et la fragilité de la vie sur terre:

«Il ne faut pas avoir l'âme fort élevée pour comprendre qu'il n'y a point ici de satisfaction véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont que vanité, que nos maux sont infinis, et qu'enfin la mort qui nous menace à chaque instant nous doit mettre dans peu d'années, et peut-être en peu de jours dans un état éternel de bonheur, ou de malheur, ou d'anéantissement. Entre nous et le ciel, l'enfer ou le néant il n'y a donc que la vie qui est la chose du monde la plus fragile ; et le ciel n'étant pas certainement pour ceux qui doutent si leur âme est immortelle, ils n'ont à attendre que l'enfer ou le néant.»

Le sentiment d'imminence de la mort peut nous perturber et engendrer l'angoisse. Elle peut ébranler nos certitudes, «Qu'on s'imagine, écrit-il, un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent vivent leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour. C'est l'image de la conditions des hommes.» On cherche en vain à échapper au spectre de la mort. On peut se jeter dans le divertissement et chercher l'oubli.

La certitude de la proximité *ou de l'imminence de la mort crée chez l'homme la conscience de sa fragilité. Mais de cette vulnérabilité, reconnue et acceptée, naît sa grandeur, car il pourra développer son aptitude à penser. Ainsi, la mort fonde la pensée et la culture*: L'homme est le roseau le plus faible de la nature, mais c'est un «roseau pensant».

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-20

Notes

Source : Blaise Pascal, Pensées, Phidal, Maxi-poche, «Classiques français», 1995, Article III. «De la nécessité du pari», p.73-95.

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