Né au château de Montaigne en Périgord, dès son jeune âge, il reçut des cours d’un précepteur qui lui parlait en latin. De six à treize ans, il fut pensionnaire au collège Guyenne à Bordeaux. Il fit ses études de droit à Toulouse et étudia la littérature grecque à Paris. À vingt-quatre ans, il se lia d’amitié avec Étienne de la Boétie dont il relata la mort dans une longue Lettre que Monsieur le Conseiller de Montaigne écrit à Monseigneur de Montaigne, son père, concernant quelques particularités qu’il remarqua en la maladie et mort de feu Monsieur de la Boétie. En 1565, Montaigne épousa Françoise de la Chassaigne dont il aura sept filles qui sont toutes mortes en bas âge, sauf une. À la mort de son père, il hérita du nom et de la terre de Montaigne et laissa la cour du parlement de Bordeaux afin de se consacrer à la méditation et à l’écriture. Il devint maire de Bordeaux pour deux mandats successifs. Atteint de la «maladie de la pierre», des calculs rénaux le font beaucoup souffrir. Il partage alors son temps entre le travail intellectuel, les voyages et la politique. Il meurt le 13 septembre 1592 dans son château au milieu des siens.
Dans le premier livre des Essais, le chapitre xx est entièrement consacré au caractère mortel de la vie. Le titre même du chapitre est éloquent: «Que philosopher, c’est apprendre à mourir». Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre; celui qui a appris à mourir a désappris à servir. «Il n’y a rien de mal en la vie pour celui qui a bien compris que la privation de la vie n’est pas un mal.» L’ouvrage important de notre vie, c’est de bâtir la mort. Montaigne eut la coutume d’avoir, «non seulement en imagination, mais continuellement, la mort en la bouche; et n’est rien de quoi je m’informe si volontiers, que la mort des hommes: quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eu…»
Sans porter de jugement sur la mort volontaire, Montaigne est heureux de recourir à cinq poètes, parmi lesquels Virgile* et Horace, qui chantent les louanges «du jeune Caton*» (i, chap. xxxvii). Le chapitre iii du deuxième livre, intitulé «Coutume de l’Île de Cea», fournit de nombreux exemples de mort volontaire dans l’Antiquité et présente les divers arguments en faveur et contre le suicide que proposent les philosophes anciens de Rome et de Grèce. Quelles occasions sont assez justes pour faire entrer un homme en ce parti de se tuer? Tous les inconvénients de la vie ne valent pas qu’on veuille mourir pour les éviter. Et puis, tant de changements soudains se produisent aux choses humaines qu’il est malaisé de juger à quel point nous sommes justement au bout de notre espérance. L’histoire de l’Église, par contre, a en révérence plusieurs exemples de personnes dévotes qui appelèrent la mort à garant contre les outrages que les tyrans préparaient à leur conscience. Et il cite «Pélagie et Sophronie, toutes deux canonisées, [l’une qui] se précipita dans la rivière avec sa mère et ses sœurs pour éviter la force de quelques soldats et [l’autre qui] se tua aussi pour éviter la force de Maxence l’empereur». À la théorie stoïcienne de la «sortie raisonnable», il oppose le devoir vivre pour la gloire de Dieu et au service d’autrui, sans exposer avec suffisamment de clarté ses propres positions. Cependant, il se réfère abondamment à Platon* qui, dans ses Lois, «ordonne sépulture ignominieuse à celui qui a privé son plus proche et plus ami, savoir est soi-même, de la vie et du cours des destinées, non contraint par jugement public, ni par quelque triste et inévitable accident de la fortune, ni par une honte insupportable, mais par lâcheté et faiblesse d’une âme craintive» (ii, chap. iii). «S’habituer à la mort pour mieux la maîtriser, la rendre familière, quotidienne, pour mieux la combattre, telle est l’idée-force de Montaigne et la clé de sa réflexion sur la vie» (D. Huisman et M.-A. Malfray, Les pages les plus célèbres de la philosophie occidentale, p. 116).
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