L'Encyclopédie sur la mort


Gross Otto

Gross ottoUne des figures tragiques de la dissidence freudienne, originaire de Graz en Autriche, il est le fils de Hans Gross (1847-1915), magistrat célèbre pour son projet de coordination internationale de la police qui deviendra plus tard l’Interpol. Ce père despotique destine son jeune fils brillant et tourmenté à la carrière psychiatrique. En 1906, vraisemblablement avec l’aide d’Otto, la patiente de celui-ci, le peintre Lotte Chattemer, s’enlève la vie. À la suite de cet événement, il subit sans succès une analyse sous la direction de Carl Gustav Jung au Burghölzli, à Zurich, et une autre, sous celle de Wilhelm Stekel*, à Vienne. En mars 1911, une autre patiente, qui est aussi son amie de cœur, Sophie Benz, se suicide à Ascona, en sa présence. Franz Jung (1888-1963), ami d’Otto, publiera en 1915 un roman sur ce drame, intitulé Sophie. Der Kreuzweg der Demut (Le chemin de la croix de l’humilité), repris dans Expressionistische Prosa (Hambourg, Nautilus, 1988). Plongé dans une crise profonde, à cause de la disparition malheureuse de Sophie, Otto est sous traitement psychiatrique pendant plus de six mois. Établi désormais à Berlin, il fonde avec Franz Jung en 1913 Sigyn, une revue dont l’objectif est de jeter les bases d’une psychologie individuelle comme ébauche d’un changement radical d’une société aux prises avec des problèmes de culture et d’économie. Dans ce périodique, plusieurs articles de sa main refléteront sa pensée anarchiste. Il écrira, par exemple, que «la psychologie de l’inconscient est la philosophie de la révolution». Le 11 novembre 1913, son père le fait interner de force dans le sanatorium privé de Tulin, soi-disant pour protéger sa famille, et le 25 janvier, il le fait transférer à Troppau en Silésie pour une cure de désintoxication. Grâce à de multiples protestations publiques, Franz Jung réussit à libérer son ami. Même s’il demeure sous la curatelle de son père pour cause d’aliénation, Otto peut désormais travailler à la clinique comme assistant médecin. En août 1914, aussitôt après la déclaration de la première guerre mondiale, Otto s’enrôle comme bénévole dans l’armée allemande et fera du service aux hôpitaux de Vinkovci et de Temesvar, en Hongrie. En 1917, il est transféré à Vienne où la curatelle pour aliénation est levée et transformée en curatelle limitée. Après la guerre, Franz et Cläre Jung hébergent Otto à leur domicile de Berlin-Friedenau. Au cours de cette période, il met par écrit sa Selbstanalyse, une autoanalyse qui paraîtra dans son livre Von Geschlechtlicher Not zur socialen Katastrophe (Du besoin sexuel à la catastrophe sociale, Francfort, Robinson-Verlag, 1980). Les souvenirs de son enfance et de sa relation conflictuelle avec son père, un personnage autoritaire et répressif, le plongent dans l’insomnie et la toxicomanie*, qui minent ses forces. En 1919, il quitte la maison des Jung à cause de certains malentendus et commence une vie errante. Cläre Jung raconte: «En octobre 1919, il vint à Berlin et je vis un homme fatigué et moralement ruiné. Otto Gross avait le sentiment que sa fin était proche. Ses seules forces, il voulait les mettre dans sa survie. Il me dicta son travail car il voulait encore écrire des articles mais tout devenait incompréhensible. Il plongeait dans des dépressions et pleurait ou sombrait dans une semi-inconscience sous l’effet de la drogue dont il était devenu fort dépendant. Ses dernières phrases avant son hospitalisation concernèrent un travail que l’on devait faire ensemble: elles furent rassurantes: “Cela me donne un nouvel élan” et “Je lutte maintenant seulement pour ma vie”. Il tomba alors malade, on crut à une grippe. Il fut amené dans un hôpital pour y recevoir de bons soins et s’y reposer. Un refroidissement mélangé à l’épuisement, à la drogue et à son trop sévère régime végétarien eut raison de ses dernières forces. Il mourut quelques jours après son hospitalisation» (R. DesGroseillers, Franz Jung)

 © Éric Volant

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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-06-29

Notes