L'Encyclopédie sur la mort


Calas (affaire)

En 1762, l’affaire Calas mobilisa toute l’énergie de Voltaire*. Marc-Antoine, homme de lettres et fils de Jean Calas, négociant protestant à Toulouse, passa pour un esprit inquiet et violent. N’étant pas qualifié pour les affaires et ne pouvant pas obtenir de certificat de catholicité, il résolut de mettre un terme à sa vie et confia ce dessein à des amis. À l’issue d’un souper familial, son père et un ami le trouvèrent pendu à la porte du magasin paternel, son habit bien plié sur le comptoir, ses cheveux bien peignés et sur son corps aucune plaie ni meurtrissure. «Pendant que le père et la mère étaient dans les sanglots et dans les larmes, le peuple de Toulouse s’attroupa autour de la maison. Ce peuple est superstitieux et emporté; il regarde comme des monstres ses frères qui ne sont pas de la même religion que lui. […] Quelque fanatique de la populace s’écria que Jean Calas avait pendu son propre fils Marc-Antoine. Ce cri, répété, fut unanime en un moment; d’autres ajoutèrent que le mort devait le lendemain faire abjuration; que sa famille et le jeune Lavaysse (ami) l’avaient étranglé par haine contre la religion catholique. […] La famille Calas, la servante catholique, Lavaysse furent mis aux fers. […] Les juges qui étaient décidés pour le supplice de Jean Calas […] furent confondus quand ce vieillard, en mourant sur la roue, prit Dieu à témoin de son innocence, et le conjura de pardonner à ses juges. […] On enleva les filles à la mère; elles furent enfermées dans un couvent. Cette femme […] s’imaginait que la capitale du royaume devait être encore plus barbare que celle du Languedoc. Enfin le devoir de venger la mémoire de son mari l’emporta sur sa faiblesse. Elle arriva à Paris prête d’expirer. Elle fut étonnée d’y trouver de l’accueil, des secours et des larmes. […] On rendit les filles à la mère. […] Tel était l’état de cette étonnante aventure, lorsqu’elle a fait naître à des personnes impartiales, mais sensibles, le dessein de présenter au public quelques réflexions sur la tolérance […]. Il est donc de l’intérêt du genre humain d’examiner si la religion* doit être charitable ou barbare» (Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas, 1763, Paris, Gallimard, «Folio», 2003, p. 11-23).

Au sujet de la déclaration de la Chambre des requêtes du 9 mars 1765, troisième anniversaire de la condamnation de Jean Calas, nous lisons que «les Maîtres des Requêtes de l'Hôtel du roi, juges souverains en cette partie, tous les quartiers assemblés [...] ont déchargé et déchargent Anne-Rose Gabibel, Jean-Pierre Calas, François Gaubert Lavaysse et Jeanne Viguière de l'accusation intentée contre eux; ordonnent que leurs écrous seront rayés et biffés de tous les registres où ils se trouveront inscrits, etc.; déchargent pareillement la mémoire de Jean Calas de l'accusation lui intentée, ordonnent que son écrou sera rayé et biffé, etc.; à quoi faire tous les greffiers, concierges et geôliers seront contraints, même par corps; comme aussi à inscrire le présent jugement en marge des dits écrous.» (Bibliothèque municipale de Toulouse, Br Fa B 56, cité par
José Cubero, Une victoire sur l'intolérance. L'affaire Calas, Pau, Cairn, 2006, p. 249). «Même si Montesquieu* avait, en son temps, adressé de véhémentes critiques à l'égard du système judiciaire, Voltaire, dans la campagne menée en faveur des Calas, lui avait porté les coups les plus rudes. [...] Calas et Voltaire, l'un pas sa mort, l'autre par sa vie, nous signifient toujours qu'il est des intolérances et des exclusions* à combattre.» ( J. Cubero, op. cit., p. 287 et 301)

En 1898, Raoul Allier a publié un ouvrage sur l'Affaire Calas Voltaire et Calas: une erreur judiciaire au XIII° siècle, Paris, Stock. Également en lien avec l'erreur judiciaire, Eliane de Valicourt reconnaît volontiers que Voltaire remua les consciences allant jusqu'à provoquer les retournements de l'opinion publique. «Grand pourfendeur des iniquités sociales et de l'intolérance, violent critique de la justice de l'Ancien Régime. dénonciateur du fanatisme religieux. Voltaire au cours du procès sut mettre en exergue d'une manière subtile la partialité des juges et démontrer leur excessive mauvaise foi, sapant ainsi avec succès l'appareil judiciaire de la royauté. Au centenaire de Voltaire, Victor Hugo n'osa-t-il pas affirmer haut et fort que les juges avaient assassiné Calas et fait décapiter le chevalier de la Barre?» (Eliane de Valicourt, L'erreur judiciaire, Paris, Éditions L'Harmattan, «Logiques Juridiques», 2006 , p. 6-7).

 

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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-16